Choisir, c’est fatigant !

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Parmi les personnes qui me consultent, en particulier les femmes, beaucoup ont fait l’expérience de nombreux régimes. Elles ont fini par en comprendre les conséquences néfastes pour leur poids et leur tranquillité mentale et aspirent vraiment à autre chose. Pourtant, quand elles commencent à expérimenter le travail qu’on fait ensemble, certaines regrettent un peu la « simplicité » du régime, à court terme du moins. Suivre un cadre précis, disant ce qu’il faut manger ou pas, en quelle quantité, permet de ne pas trop réfléchir, de ne pas se poser de questions…On suit le régime, point. On perd du poids, c’est satisfaisant voire euphorisant. On ne se pose pas alors la question de la suite… Qui sera souvent une reprise de poids, des craquages, mais ce n’est pas le sujet alors…

A l’inverse, dans la démarche que je propose, les personnes ont besoin, dans une première phase du moins, de prendre conscience de leur façon de manger, de réfléchir à ce sujet, de faire des choix. Par exemple, réfléchir à ce qu’on a envie de manger (en se détachant peu à peu de ce qui serait bien ou mal…), se demander si on a faim ou envie de manger, identifier ce que veulent dire ces envies de manger, décider d’y répondre ou pas, choisir de trop manger ou s’arrêter, etc. En effet, avant de retrouver une façon de manger naturelle, intuitive, durable, on a besoin de ce temps de conscience. Des personnes aimeraient parfois éviter cela. Arrêter (enfin) de penser à la nourriture ! Mais cette étape est vraiment nécessaire pour comprendre sa façon de manger et pouvoir réellement la changer durablement. Comme je le répète souvent, notre comportement alimentaire, s’il est perturbé, ne peut pas changer d’un coup de baguette magique. Ce serait tellement simple ! On a besoin de conscience et de réflexion (pas de volonté !) et cela, me semble-t-il, en vaut la peine. Pour retrouver la tranquillité.

Bien sûr, cela demande une certaine disponibilité de la tête, une part d’énergie mentale. Donc, cela peut être jugé fatigant. Car on a beaucoup d’autres choses à penser, beaucoup d’autres choix à faire. Et même une multitude de choix dans une journée. Au boulot et dans sa vie personnelle. Tout n’est pas que routine et automatismes. C’est pourquoi on aimerait parfois s’épargner certains choix, notamment alimentaires. Pour se concentrer sur ce qu’on juge essentiel.

Pour faire un parallèle, certaines personnes décident de s’épargner ces choix en ce qui concerne les vêtements. J’avais ainsi lu que Barack Obama ou Mark Zuckerberg, entre autres, portaient toujours les mêmes vêtements pour éviter d’avoir à y réfléchir. Il est clair que c’est une économie de réflexion notable. J’ai moi-même expérimenté cela récemment ! Ces derniers mois, pendant l’automne, l’hiver, une partie du printemps, je me suis habillée presque toujours pareil ; un jean, un tee-shirt, une marinière plus ou moins épaisse selon la saison. Je ne me souviens pas comment cela avait commencé. Cela avait peut-être un lien avec ma fréquentation matinale quasi-quotidienne de la piscine (pas de temps pour réfléchir le matin, une tenue facile à enlever). Je reconnais que c’est une économie de temps de cerveau de ne pas se poser de questions le matin… Bon, j’ai quand même fini par me lasser et avoir envie de davantage de variété de motifs…

Ariane Grumbach l'art de manger

Peut-on faire la même chose pour la nourriture ? Ne pas y penser ? Bien sûr, c’est possible si on a un cuisinier qui connait vos goûts et vous prépare chaque jour un repas différent, comme c’était sans doute le cas pour Barack Obama ou ses alter ego. Sinon, c’est sans doute compliqué à faire tout le temps. Dans certaines circonstances peut-être. On peut décider par exemple de manger toujours le même petit déjeuner car il est satisfaisant, pratique et suffisant. Ou en le déclinant au minimum. Moi-même, pendant des années, j’ai mangé le même petit déjeuner muesli-yaourt-fruit de saison. Et cela m’allait très bien. Je fais un peu plus varié désormais et cela me va aussi. Pour les autres repas, cela me parait bien plus compliqué. En mangeant toujours à peu près pareil, on finit par manger machinalement et la monotonie risque de nuire sérieusement au plaisir associé à la nourriture.

De plus, même si on a/on retrouve une façon intuitive, naturelle, de manger, il peut rester des choix alimentairesà faire. Par exemple, choisir un repas adapté au temps dont on dispose ; ou plus largement choisir une alimentation conforme à ses convictions.

Donc, prêter attention à sa façon de manger, faire les bons choix pour soi, est intéressant même si cela prend un certain espace mental. D’autant plus, comme l’observent nombre de patientes, que cette vision vient souvent remplacer positivement une place assez vaste, obsessionnelle, stressante, de la nourriture et du poids dans la tête…

Et pour vous, est-ce que cela crée une fatigue, d’une façon ou d’une autre, de penser à votre alimentation ?

 

 

 

 

 

 

6 réponses
  1. Flo
    Flo dit :

    Oui, se nourrir demande une bonne dose d’investissement. Non seulement, nous devons faire face aux différentes injonctions, mais nous devons aussi scruter les étiquettes et faire face à nos idéaux (manger local, sain, moins de déchets) tout en respectant les goûts des membres de la famille et cela trois fois par jour, chaque jour. Je ressors fatiguée des vacances en famille notamment à cause de toute cette logistique. Parfois, j’envie le serpent qui se nourrit une fois par mois !

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    • ARIANE
      ARIANE dit :

      @Flo merci pour ce témoignage, je comprends, peut-être qu’on peut arriver à moins se prendre la tête en trouvant les aliments et les circuits qui nous conviennent pour installer des habitudes, en cuisinant avec un peu d’anticipation, en déléguant ce qu’on peut déléguer…

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  2. Cath
    Cath dit :

    J’accorde beaucoup d’importance et de temps à mon alimentation. J’ai fait le choix de ne pas manger de plat tout fait, d’acheter frais, de saison et local. Forcément, il faut faire le marché, réfléchir aux plats de la semaine en fonction des produits disponibles, prendre le temps de cuisiner à l’avance pour le déjeuner, cuisiner le soir lorsque je dîne à la maison. C’est un investissement c’est certain et je comprends que ça peut être lourd, surtout quand on a une famille. En ce qui me concerne, je ne le vois pas comme une corvée. Au contraire, c’est une façon de prendre soin de moi. Le marché le weekend, j’adore. Davantage que faire les magasins. Imaginer ce que je vais faire avec les ingrédients que j’achète, j’adore aussi. Et pour ce qui est de la cuisine, je trouve que c’est une activité qui détend énormément, et peut être même plus efficacement que traîner sur internet. ça demande aussi beaucoup d’anticipation et d’organisation : se garder deux soirs dans la semaine pour cuisiner, garder du temps de libre le weekend. Les jours où je suis débordée, je fais au plus simple. J’ai toujours dans le frigo et dans les placards des choses qui se préparent en 10 min chrono. C’est sans doute une question d’éducation aussi. Je viens d’une famille où la cuisine et les repas tenaient une place importante dans nos journées. J’ai vu mes parents faire et jamais ils nous ont présenté cela comme une tâche ingrate, malgré la fatigue que cela peut susciter. Certes ça demande un effort, mais c’est un effort pour soi, et ce qu’je gagné en retour de plaisir, detente, bien être, partage, en vaut largement le coup. Pour l’avoir testé un an chez un ancien employeur, c’est plus stressant pour moi de devoir manger dans un cantine d’entreprise : choix trop restreint, légumes pas très frais, pas la possibilité de manger ce que j’ai réellement envie de manger, recettes trop répétitives etc. J’ai trouvé cela très incomfortable et au bout de 3 mois, les déjeuners devenaient lassants.

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    • ARIANE
      ARIANE dit :

      @Cath un grand merci pour ce témoignage qui rappelle un peu l’intro du dernier livre de Clea, Coaching Veggie sur l’anticipation des repas : en effet, réfléchir à ses repas, et aussi aller au marché, cuisiner…peuvent être des moments de plaisir, de détente, de recherche de bien-être et pas que des corvées. Et puis en effet, avoir des solutions de secours pour les jours sans. Tout cela est certes plus facile quand on a eu une transmission familiale mais il n’est jamais trop tard pour l’acquérir. Pour la cantine, lassiez-vous un peu de souplesse pour y aller de temps en temps quand vous n’avez pas le temps/lenvie de préparer votre repas 🙂

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  3. Colette
    Colette dit :

    Merci pour ce billet très intéressant ! L’illustration du choix vestimentaire « automatique » facilitant autre chose (pour vous, le fait d’aller nager) est très parlante. Je suis dans une démarche de minimalisme vestimentaire qui m’amène à porter souvent les mêmes tenues testées et approuvées, et je trouve en effet que cela me laisse plus de temps pour réfléchir à d’autres aspects de mon quotidien et que c’est appréciable. Pour la nourriture, j’aime y réfléchir mais pas trop quand même ! Depuis un an, mon mari et moi pratiquons le « batch cooking » le dimanche. Après avoir fait les courses, on cuisine ensemble à l’avance les repas de la semaine. Cela nous permet de bien manger durant plusieurs jours sans charge mentale. Au début, on prévoyait des recettes précises parfois assez élaborées, et aujourd’hui, on a encore simplifié cette organisation en préparant souvent tout simplement des ingrédients de saison crus ou cuits, des céréales et des légumineuses nature qu’on assemble en « bowls » pour nos dîners. On y perd un peu en raffinement, mais on y gagne en temps.

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  4. Agnes
    Agnes dit :

    Merci Arianne pour ce billet très intéressant qui nous apprend à nous concentrer sur les choix
    Parfois nos choix ne sont pas très bons par example glaces puis glaces puis glaces qui est facile au lieu de penser à quelque chose de plus sain. Mais justement quand on fait tous ces choix ne retombent-on pas dans la logique du control des repas et du poids?

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