Suis-je féministe ? A propos de la lecture des Glorieuses, de Rebecca Amsellem

Je crois que, pendant longtemps, je ne me suis pas vraiment posé la question. Pourtant, aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été pour des droits totalement égaux pour les femmes et les hommes. Ma mère était-elle féministe ? Certes, elle avait arrêté de travailler pour élever ses enfants, certes j’ai eu des poupées et mon frère des voitures. Mais c’est elle qui m’avait dit la première cette phrase de Françoise Giroud (je cite de mémoire sa formulation) : « Les femmes seront les égales des hommes quand on nommera à un poste important une femme incompétente ». Et elle m’avait aussi raconté qu’elle avait été parmi les premières à prendre la pilule après ma naissance.

Je me souviens plus tard de choses qui m’ont marquée face à cette exigence d’égalité :

– à mon entrée dans une grande école de commerce, une rumeur (que je n’ai pas creusée) qui disait qu’il y avait un quota maximum de filles acceptées car certaines femmes diplômées arrêtant de travailler au bout de quelques années, ce n’était pas « rentable » pour l’école d’en recruter trop…
– à mon entrée dans une grande entreprise comme jeune diplômée, entendre dire (plus tard) que j’avais été un tout petit peu moins payée à l’entrée qu’un équivalent masculin.
– dans le cabinet de conseil où j’ai travaillé ensuite, participer, avec une associée motivée, à un groupe de travail pour faire changer les choses, après avoir constaté l’évanouissement progressif de la présence des femmes au fur et à mesure de la montée dans la hiérarchie. Sans grand succès…
Je n’ai jamais agi directement comme militante. Mais, si être féministe c’est vouloir l’égalité et les mêmes droits en tous domaines pour les femmes et les hommes, évidemment je suis féministe !
J’ai par ailleurs l’immense chance de vivre avec un homme qui n’a aucune revendication ni aucun comportement machistes. Qui n’aurait vu aucun inconvénient à ce que je gagne plus que lui. Et il est plus doué que moi pour la cuisine et le ménage !
Je n’ai donc pas de difficultés personnelles. Mais je suis souvent en colère, atterrée, attristée, par tant d’exemples des traitements inégaux entre hommes et femmes. Ma conscience a continué à évoluer ces dernières années par des lectures, des rencontres, des podcasts, l’actualité… Une multitude de sujets sont concernés : les salaires et les opportunités professionnelles, la répartition des tâches familiales, les relations homme-femme… Il ne s’agit pas que d’accès aux mêmes droits mais aussi de la vie en commun. Par exemple la possibilité de disposer équitablement et paisiblement de l’espace public. A ce titre, j’avais été très touchée par les mots si justes de Leila Slimani après l’affaire Weinstein : les femmes ne seront ainsi vraiment  égales des hommes que quand elles pourront se promener tranquillement dans la rue à toute heure. C’est donc politique, juridique, sociétal, éducatif… Bref, c’est complexe et un long long chemin de changer ça. La première étape est déja d’avoir conscience de ces inégalités… Sur ce sujet, il est intéressant d’écouter (et lire) Chimamanda Ngozi Adichie, célèbre auteure nigériane.

Evidemment, il ne s’agit pas de nier les différences physiologiques, biologiques entre femmes et hommes. Je parle ainsi dans mon livre d’équité et non d’égalité à propos de la taille des portions dans un couple homme-femme : à chacun(e) de manger selon ses besoins, son appétit et non de façon strictement égale !
Depuis que j’ai changé de voie, que je vois essentiellement des femmes dans ma clientèle, que je constate  le mal que leur font l’obsession de la minceur, la pression du corps parfait, les stéréotypes de silhouette, les régimes pour y parvenir, les privations alimentaires, la quête globale de perfectionnisme, je me dis que, à ma place, je travaille un peu pour la cause des femmes, tel le colibri de la légende amérindienne…
– en les accompagnant vers un mieux-être corporel,
– en défendant la diversité corporelle et en luttant contre l’uniformisation des silhouettes,
– en les aidant à renoncer à la quête du corps parfait et ainsi libérer de l’espace mental et de l’énergie pour s’occuper d’autre chose, choisir d’autres priorités.
 Ariane Grumbach l'art de manger
Je pensais à tout ça en lisant le livre de Rebecca AmsellemLes Glorieuses, chronique d’une féministe.

Rebecca Amsellem a été la créatrice en 2015 de la newsletter féministe Les Glorieuses. Son livre est écrit sous forme de chroniques basés sur des moments de sa vie, des rencontres, des réflexions, des lectures. Et, à travers cela, elle parvient à parler de façon claire, sincère, engagée et passionnante, de femmes, d’événements ou de thèmes centraux du féminisme, en montrant le long chemin qui reste, malheureusement, à parcourir. Tout cela étant d’une lecture très accessible et agréable. J’ai aussi beaucoup aimé les illustrations par Clémentine du Pontavice, déjà complice du site des Glorieuses (illustrations qui notamment montrent des corps divers, non standardisés).

Ensuite, en cherchant à cerner un peu mieux Rebecca Amsellem via internet, j’ai apprécié de tomber sur cette citation sur le site Grazia qui fat écho à mon podcast, notamment le dernier épisode : « Quel est ton souhait pour les filles de ta génération ? Qu’elles arrivent à bout du mythe de la femme parfaite. Un mythe qui nous pousse à nous affamer trois semaines avant l’été et à être en compétition les unes avec les autres. La sororité est l’acceptation des femmes, de toutes les femmes : elle doit être une valeur universelle, au même niveau que la fraternité ».

Les Glorieuses, éditions Hoëbeke, 18 euros.

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