Jeûne et randonnée : j’ai expérimenté !

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Cela fait longtemps que je m’intéresse au jeûne. Au moins depuis que j’ai vu le documentaire « Le jeûne, une nouvelle thérapie » sur Arte en 2011. Je m’étais empressée ensuite de lire le livre, plus complet, tiré du documentaire. Depuis, un certain nombre de patientes m’ont demandé mon avis de façon générale ou parce qu’elles avaient le projet de partir faire un jeûne. J’ai aussi été interviewée 2-3 fois sur le sujet. Je réponds toujours de  façon non dogmatique. Je ne suis pas contre le jeûne, je recommande de réfléchir à pourquoi on a envie d’en faire un. Je précise que le but ne devrait pas être de maigrir : évidemment qu’on perd du poids en ne mangeant pas mais on le reprend dès qu’on remange normalement. Ce type de démarche est par ailleurs décommandé si on souffre de troubles du comportement alimentaire.

A force d’être questionnée, j’ai eu envie de partir moi-même expérimenter un jeûne, pour en parler en connaissance de cause, même si bien sûr mon expérience reste uniquement la mienne. J’ai mis du temps à me décider et je n’aurais pas trop su comment choisir un lieu. Par chance, une patiente était revenue l’année dernière enchantée d’un séjour de jeûne et randonnée. Quand je me suis décidée à bloquer une semaine, je suis allée voir le site de ce séjour : le lieu, la présence d’une piscine, l’effectif limité m’ont décidée à m’inscrire. Evidemment, Monsieur a commenté : « c’est bien cher pour ne rien manger… » !

La descente alimentaire

Quelque temps avant le séjour, j’ai reçu des indications pour mener la semaine de « descente alimentaire ». En effet il est important de préparer en douceur le système digestif à passer au jeûne et non le faire brutalement. On retire donc peu à peu des catégories d’aliments, jusqu’à ne consommer le jour du voyage que des jus de fruits et légumes. Cela s’est passé sans problème pour moi, j’ai déjà une alimentation largement végétale et j’ai réduit progressivement les laitages, céréales et légumineuses. J’avais prévu de n’avoir aucune sortie, et j’ai fait ce qui était prévu sans sentir de faim excessive. J’ai eu toutefois mal à la tête un ou deux jours, sans relier cela à de la faim, et, en en parlant sur place, on s’est dit que c’était peut-être l’arrêt du thé que je bois régulièrement (je ne bois pas quotidiennement du café)…

Le séjour jeûne et randonnée

Je suis partie en train. Un taxi était prévu pour mener au lieu du jeûne. On arrive sur place et le lieu est magnifique, adossé à la Montagne Sainte Victoire. Ma chambre est confortable (j’ai pris une chambre individuelle). Le programme précis nous est donné jour après jour, chaque jour ayant à peu près la même structure : jus le matin / randonnée d’environ 3h / après-midi libre et/ou activité proposée (yoga, …)/ soir : bouillon et conférence. On est seulement 8 personnes et on fait facilement connaissance.

On est complètement pris en charge, il n’y a à s’occuper de rien, même pas, évidemment, de ce qu’on va manger ! C’est très reposant ! Il s’agit seulement de décider de bouquiner ou papoter, se reposer ou aller se préparer une infusion…

La descente alimentaire a dû être efficace pour une transition en douceur car je ne ressens pas spécialement de sensation de faim. Le premier jour sur place se passe très calmement. Le deuxième jour, pas de faim mais une bizarre sensation de faiblesse physique, l’impression de ne pas pouvoir faire plus que quelques pas : est-ce le manque d’énergie ou une baisse de tension ? Après le jus et le départ en randonnée, cela s’arrange au fil de la journée et ne m’empêche pas de randonner normalement. Les jours suivants se passent très bien comme pour la plupart  des personnes. Les randonnées nous font parcourir des lieux magnifiques et augmentent progressivement en difficulté. C’est un peu dur pour les jambes mais je tiens bon et avance à mon rythme. Je suis très contente des chaussures de randonnée achetées avant le départ au Vieux Campeur avec des conseils adaptés du vendeur : très confortables et aucune douleur ni ampoule.  Le séjour me donne l’impression d’une sorte de colonie de vacances sauf qu’on ne mange pas (et franchement, je n’ai pas du tout pensé à la nourriture) : le groupe est très sympathique, toutes les activités sont prévues mais non imposées, on se laisse porter. Pour ma part, j’ai fait toutes les activités avec plaisir (sauf la suggestion de lavement, une pratique (controversée) que je ne souhaitais pas expérimenter).

Le « bar à infusions »

La reprise alimentaire

La reprise alimentaire commence sur place le dernier jour avec un repas de rupture du jeûne : un festin végétal cuisiné par Marion, l’organisatrice multi-talents (naturopathe et guide de randonnée entre autres). Ensuite, on mène cette reprise sur une semaine chez soi, avec les conseils reçus : la réintégration progressive des aliments, l’inverse de la préparation amont. De la même façon, j’ai mené sérieusement cette étape pour prendre soin de mon système digestif et ne pas le brusquer. Aucune difficulté particulière.

Mon bilan

Le bilan physique et mental

J’ai bien sûr perdu du poids et repris une partie en remangeant, peut-être pas tout me semble-t-il à ce stade. Je n’ai rien observé des promesses de belle peau, regain d’énergie, … Ceci-dit, je me sentais en forme avant ! J’ai l’impression de ne pas avoir changé !

Un seul point d’étonnement : la disparition pour l’instant de deux petits points qui étaient sensibles : mon pouce gauche qui me faisait un peu mal quand je le pliais, ce que j’imaginais être un début d’arthrose peut-être ; un point douloureux au genou gauche quand j’étais complètement agenouillée. J’ai réalisé en cours de séjour que les deux avaient disparu. Le jeûne interrompt probablement certains processus inflammatoires.  On verra ce qui se passe dans la durée. J’observerai si une part de mon alimentation peut jouer un rôle pro-inflammatoire.

Le séjour

J’ai fait ce séjour à titre d’expérimentation physique et mentale et sur ce dernier aspect, j’ai été un peu étonnée, comme je le mentionnais plus haut, de constater que je ne pensais pas du tout à la nourriture pendant ce séjour, alors que, vous le savez, ce sujet m’importe beaucoup. Et on disposait de temps pour penser !

Point particulier : bien naïvement, j’avais imaginé de ne pas spécifier que j’étais diététicienne pour être une participante lambda… Mais je n’avais aucune intention de mentir. Lors de l’entretien individuel de début de stage, Myriam, l’organisatrice, m’a demandé mon métier. Puis, vous vous doutez bien que, quand on passe une semaine avec sept autres personnes, on finit forcément (et même assez vite) à parler activité professionnelle, parcours, … Finalement, mon métier a beaucoup intéressé car plusieurs personnes étaient en questionnement sur leur alimentation et leur silhouette et cela a donc donné lieu à de nombreux échanges. j’ai vraiment trouvé le groupe très sympathique et apprécié de rencontrer des personnes d’horizons différents.

Concernant le lieu de séjour et l’organisation, tout était vraiment parfait ! Qu’on soit novice ou habituée de séjours de jeûne, tout le monde était unanime sur le fait qu’on pouvait difficilement trouver mieux : le lieu est magnifique est confortable, les randonnées sont dans des paysages magnifiques, l’animation est sympathique et adaptée, les activités sont intéressantes, le repas de reprise est délicieux, …

Concernant l’approche du jeûne et de la naturopathie, notamment le contenu des conférences, j’ai été d’accord avec beaucoup de choses concernant le manger sain mais j’ai toujours de forts doutes sur les notions de toxines, détoxication, …. Je reste contre le principe et tout le marketing de la detox, telle qu’elle est vendue sans cesse pour des séjours, des jus, des tisanes, des salades… Je ne crois pas à ce principe de « détoxification ». Le corps a des organes qui traitent et évacuent les déchets : le foie et les reins. Certes, si on a vraiment une hygiène de vie néfaste à son corps (stress, alimentation inadaptée, fatigue, …), ils ont peut-être besoin d’un peu de repos ou de soutien, mais cela n’a rien à voir avec une detox ! Je vous renvoie par exemple à un article dessiné toujours pertinent et amusant du Pharmachien québecois et un autre mettant les choses au point en matière de detox par la sage naturopathe Chaudron Pastel (oh en plus, elle me cite ;-)).

Je fais ceci-dit une différence entre le jeûne et la détox. Arrêter de nourrir son corps et le faire basculer vers l’utilisation de ses réserves, ne plus utiliser d’énergie pour digérer, est une expérience intéressante mais je ne dirais pas qu’elle est détoxifiante… Cela peut être intéressant de mettre au repos son système digestif si on a l’habitude d’une alimentation riche, lourde, difficile à digérer. Et ce peut surtout être un temps de recul et réflexion sur son comportement alimentaire, de reconnexion à soi. Mais je crois davantage à un équilibre de vie au quotidien (alimentation saine, activité physique, sommeil, temps pour soi, relations aux autres, pas trop de stress… ). Si, comme moi, on a une alimentation plutôt saine et variée et une hygiène de vie correcte (sommeil suffisant, activité physique régulière, pas trop de stress), le corps sait gérer ce qu’on lui donne et il n’est probablement pas nécessaire de recourir à ce type de pratique régulièrement. Je ne vois pas l’intérêt de s’épuiser au quotidien et partir une semaine par an dans un jeûne en croyant que ça va tout régler, comme une sorte de « reset »… Et ce que le corps ne sait pas gérer (voir ci-dessous), ce n’est pas une detox qui le règlera ! Par ailleurs, il y a très probablement dans certaines pathologies une utilité du jeûne thérapeutique.

A propos de la detox

Au moment même où je terminais ce billet de blog, je tombe par hasard sur le programme télé et, le soir même, il y avait une émission Enquête de Santé sur France 5 sur les cures detox. On y voit tout un tas de pratiques fort peu scientifiques et certaines carrément des escroqueries rémunératrices. Pour résumer simplement, la detox, ça ne sert à rien ! Bien sûr, dans le monde actuel, des substances inutiles voire nocives sont absorbées par le corps. Pour résumer simplement, deux cas de figure se présentent :

  • soit ce sont des déchets que le corps sait reconnaître, traiter, filtrer, éliminer (exemple : résidus de médicaments), grâce à ces merveilleux organes que sont le foie et les reins. Et le foie arrive en partie à s’adapter.
  • soit ce sont des substances que le corps ne sait pas éliminer (par exemple, certains métaux dits « lourds » ou des résidus de pesticides) et il les stocke (prioritairement dans son lieu de stockage privilégié, le tissu adipeux = la masse grasse). Et aucune cure detox ne les évacuera ! La seule solution préconisée est la prévention collective et individuelle : avoir une alimentation bio et locale, ne pas manger trop de poisson et plutôt des petits, être attentifs aux emballages, diminuer la place des perturbateurs endocriniens, modifier les produits d’entretien qu’on utilise, aérer sa maison, ….

Mes recommandations

Si vous envisagez/avez envie de prévoir un moment de jeûne, quelques recommandations personnelles :

  • Réfléchissez à votre motivation : pourquoi souhaitez-vous faire cela ? Une expérience, un moment pour vous, un temps de réflexion sur l’alimentation, une pause ?
  • Prévoyez le bon moment (a priori plutôt au printemps ou en automne) et comptez en tout trois semaines tranquilles : outre la semaine de jeûne, deux semaines sans trop de vie sociale : les semaines de descente et de reprise alimentaires sont importantes et nécessitent de revoir sa vie sociale : pas d’excitants, d’alcool, une nourriture cadrée, cela s’organise,
  • Traitez avec sérieux les phases de descente et reprise alimentaire justement, ce sont des clés d’un jeûne confortable.
  • Faites cela hors de chez vous et en groupe encadré : être dans un groupe est important pour pouvoir échanger sur ses ressentis, partager des réflexions, des questionnements, s’encourager si besoin et pouvoir se retourner vers la personne encadrante en cas de difficulté. Et donc hors de chez soi car il me parait important de sortir de son quotidien et de faire de cette démarche une sorte de parenthèse.
  • Trouvez un séjour qui soit le mieux adapté à vos besoins (lieu, nombre de participants, activités, budget…). Pour ma part, je ne vois pas comment je pourrais trouver mieux que celui-ci, organisé par Escale Detox (heureusement que je ne me suis pas laissée freiner par le nom !)
7 réponses
  1. LE CHEVALLIER
    LE CHEVALLIER dit :

    Ravie de ce retour Arianne!! Moi même Dietéticienne, je m’interroge sur le jeûne et rando (cette dernière que je pratique déjà régulièrement)!! J’ai eu de nombreux échos d’amis.es, famille etc… j’ai écouté l’émission de 2011… mais je n’ai pas encore pris le temps de partir 1 semaine pour cela… alors ton retour m’intéresse et je partage totalement ton point de vue sur la « détox »…
    Merci pour ton partage d’expérience 😊. Bien à toi

    Répondre
  2. Cécile G.
    Cécile G. dit :

    Je confirme que l’arrêt du thé, quand on en boit quotidiennement, donne des maux de têtes (terribles, dans mon cas) !
    Merci pour ce retour très intéressant, Ariane.

    Répondre

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