Oui, on peut mincir sans régime !

Je reprends ici la transcription de quelques épisodes de BCBT le Podcast, pour les personnes qui préfèrent lire qu’écouter ou ont des difficultés auditives. Dans ce 43e épisode, je souhaitais revenir aux fondamentaux de mon travail, le fait que, oui, vous pouvez mincir sans régime ! (si vous souhaitez mincir bien sûr).

Accompagner les personnes vers leur juste poids sans régime, c’est un peu la base de mon travail, j’en ai déjà parlé sur ce blog mais il me semble important d’y revenir pour notamment deux raisons.

D’abord, malgré tout le travail du GROS (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids) dont je fais partie, malgré tous les livres de Jean-Philippe Zermati, de Gérard Apfeldorfer et d’autres, toutes les interviews, les colloques, mon podcast par exemple, mon livre, mes interventions – très humblement – il y a encore énormément, énormément de femmes (d’hommes aussi bien sûr) qui croient que la question d’une éventuelle perte de poids est binaire : soit je fais un régime, soit je dois accepter la situation telle qu’elle est. Et donc cette troisième voie de mincir autrement, sans régime, sans privation, a encore vraiment besoin d’être connue, décrite, communiquée.

L’idée m’est venue également après deux rendez-vous avec des nouvelles patientes. Je les ai largement écoutées, je leur ai fait un retour sur ce que je comprenais de leur comportement alimentaire et comment on pouvait travailler. Il apparaissait clairement qu’elles mangeaient trop, pour des raisons différentes. On a évoqué donc, entre autres, le fait de revenir à l’écoute de ses sensations alimentaires, de ne pas avoir d’interdit, etc. Et puis toutes les deux, parmi beaucoup de nouvelles patientes que je vois en ce moment, en fin de consultation chacune à leur façon elles m’ont demandé « mais alors, on peut mincir comme ça ? ». Même si elles étaient toutes les deux venues me voir en connaissance de cause, ayant compris quel était mon travail, l’une parce qu’elle avait fait trop de régimes, l’autre parce qu’elle ne voulait surtout pas faire de régime, elles avaient quand même une part de scepticisme, une difficulté à croire en cette démarche. Alors j’ai pris un petit temps pour leur réexpliquer ce qui se passait dans le corps, et surtout je propose toujours d’expérimenter (sous réserve que la personne accepte de revenir !).

Bref, je me dis que cela peut être utile de refaire un point sur ce sujet et puis aussi de se demander si tout le monde peut mincir sans régime.

C’est quoi, un régime ?

D’abord je voudrais repréciser ce que j’entends par régime : je mets de côté tous les régimes qu’on doit faire pour une raison de santé impérative et les régimes qu’on décide pour des raisons éthiques ou religieuses. Je parle des régimes qui sont une façon de manger dirigée par la tête en vue de contrôler son poids. Petit rappel : les régimes, ça ne marche pas dans 90 à 95 % des cas, les études l’ont montré. Et même, les régimes font grossir, parce qu’après une période de restriction où on a perdu du poids, la tête en a assez de cette rigueur et on remange comme avant, voire davantage. Et le corps, lui, décide de stocker ce surplus, en « imaginant » qu’il y aura peut-être une prochaine privation : donc, il fait des réserves dans cette perspective.

Il y a donc une autre voie pour mincir, si mincir est important pour soi. Mincir sans se priver, c’est d’abord revenir à une écoute de ses sensations de faim, de rassasiement, écoute qui va devenir petit à petit intuitive comme celle qu’a un petit enfant. En fait quand on écoute ses sensations alimentaires qui sont guidées par des mécanismes hormonaux, le corps, naturellement, sans qu’on ait besoin de compter quoi que ce soit, réclame la juste quantité de calories pour ramener au poids d’équilibre. Et c’est ça qui fait que petit à petit on revient à ce poids d’équilibre si on est au-dessus. Et donc c’est aussi ne pas s’interdire d’aliment, manger de tout et se rendre compte qu’assez naturellement, en se faisant confiance, on va avoir de la variété et un certain équilibre. Et puis il s’agit aussi de travailler sur tout ce qui peut perturber cette écoute de soi.

Tout ce travail peut être plus ou moins long, plus ou moins complexe selon l’histoire de la personne, sa façon d’envisager le changement. J’encourage toujours à persévérer et à aller au bout de ce travail si c’est possible.

Ensuite, question importante, est-ce que toutes les personnes peuvent mincir sans régime ? Pas de suspens, je dirai beaucoup de personnes mais pas tout le monde. Je vais prendre cinq exemples qui sont tirés du travail avec mes patientes. J’ai changé tous les prénoms.

Marina n’a jamais fait de régime

Pour commencer, Marina. Marina, elle a 43, 45 ans environ, elle travaille beaucoup, elle voyage, elle a un mari et une fille et au fil des années, depuis qu’elle a commencé à travailler, elle a pris du poids, tranquillement mais sûrement. Ça ne la tracassait par trop jusqu’à ce que ça devienne préoccupant en termes de confort corporel et pour s’habiller. Elle n’a jamais fait de régime et elle vient me voir sans idée préconçue.

Je la fais parler et je constate qu’elle n’écoute absolument pas ses sensations alimentaires : elle mange autant que son mari, elle finit toujours son assiette, elle mange tout ce qu’il y a devant elle au restaurant ou quand elle est en voyage. Avec moi, elle s’est reconnectée à ses sensations alimentaires assez facilement : elle n’avait jamais vraiment réalisé qu’elle mangeait trop et elle a été très étonnée de voir qu’elle pouvait manger beaucoup moins, puis ravie de voir qu’elle perdait du poids sans se priver. Et même, elle a plutôt retrouvé beaucoup plus d’envie de cuisiner en se faisant plaisir et donc manger plus varié.

Comme ça, elle a minci très significativement et elle en a été assez bluffée. Je précise touefois que je rencontre assez rarement des personnes du profil de Marina, les personnes qui viennent me voir ont souvent un parcours plus compliqué.

Louise alterne restriction et craquages

Prenons Louise par exemple. Louise, elle a commencé les régimes à la fin de l’adolescence parce que sa famille lui disait régulièrement qu’elle était trop ronde. Elle a intégré cette croyance alors qu’elle était plutôt “normale”. Le premier régime a marché et puis en revenant à ses habitudes elle a repris du poids, et comme ça elle a enchaîné plein de régimes en craquant de plus en plus quand elle arrêtait. Elle arrive de moins en moins à se priver, même si elle continue chaque jour à se dire « demain, je m’y mets ». Mais justement, comme elle est dans cette logique de dire « demain je fais attention », elle a tendance à se gaver le jour même par anticipation de s’interdire des aliments le lendemain.

Avec Louise on a travaillé sur deux aspects principalement : là encore, se reconnecter à ses sensations alimentaires, et puis surtout sortir de ce qu’on appelle la restriction cognitive, le fait de décider de se restreindre, de se dire « je fais attention », de s’interdire certains alments ou de culpabiliser de les manger, de penser que certains aliments font grossir. Il s’est agi de s’autoriser à manger de tout, de ne plus classer les aliments en « bon » ou « mauvais », de se rendre compte qu’on peut manger du fromage et des pâtes sans que ça pose de problèmes.

Là encore, le plus important c’est de faire l’expérience de tout ça, pas de me croire sur parole. Et en remangeant de tout, en levant les interdits, il s’est passé plusieurs choses. Puisque les aliments seront encore là, encore autorisés demain et tous les autres jours, il n’y a plus de raison de se précipiter dessus aujourd’hui. Le fait qu’on se les autorise, qu’on les mange avec attention, sans culpabilité, ça conduit peu à peu à les banaliser. Comme ça, au bout de quelques semaines, Louise me raconte, vraiment toute étonnée, qu’elle a une tablette de chocolat entamée dans son placard depuis plusieurs jours et qu’elle n’y pense même pas alors que ça c’était totalement impossible depuis des années.

Et puis elle s’est rendue compte aussi que finalement elle n’aime peut-être pas tant que ça tel ou tel biscuit qu’elle idéalisait. Peu à peu, Louise a remangé de tout sans se priver, en s’écoutant. Auparavant, ses craquages étaient très fréquents et importants en quantité, quand elle commençait un paquet de biscuits, elle le finissait : finalement elle mange beaucoup moins et peu à peu, elle a minci alors qu’elle avait baissé les bras. Quelle satisfaction pour elle et puis quelle tranquillité aussi de se libérer la tête de toutes ces pensées qui étaient tournées vers ce qu’il fallait ou pas manger et qui occupaient beaucoup de place.

Isabelle a détraqué son métabolisme à force de régimes

Autre expérience un peu similaire, celle d’Isabelle qui est entrée très tôt dans la spirale des régimes suite aux commentaires d’une prof de danse, elle avait 7 ou 8 ans. Elle avait une silhouette tout à fait normale mais qui n’était pas conforme à la grande finesse qu’on attend en danse classique. Elle a fait des régimes successifs de façon quasiment ininterrompue pendant près de 50 ans ! Elle a une soixantaine d’années et quand elle vient me voir elle est assez désespérée. Elle ne mange pas beaucoup, c’est typiquement une personne qui a eu son métabolisme détraqué par les régimes, et donc elle a pris beaucoup, beaucoup de poids et elle s’est tellement privée que quand elle se trouve face à un paquet de chips ou une tablette de chocolat, elle en mange sans pouvoir s’arrêter.

Alors, Isabelle s’est reconnectée à ses besoins, très important, elle a réappris à manger de tout mais vraiment en petites quantités, à manger consciemment avec attention pour que ce ne soit pas frustrant de devoir s’arrêter assez vite. Et donc elle s’est libéré la tête de ses obsessions alimentaires.

Par rapport à Louise, elle avait pris beaucoup plus de poids, fait des régimes depuis plus longtemps, beaucoup plus de régimes. Alors est-ce que c’est tout ça, mais son corps n’a pas réagi pareil. Je le disais, son métabolisme s’est déréglé et a réduit ses besoins et donc Isabelle a quand même perdu 8-9 kilos, moins que ce qu’elle aurait espéré. Ça soulage quand même un petit peu ses articulations, ça lui redonne de la mobilité et puis, bénéfice appréciable, elle a quand même la tête beaucoup plus tranquille.

Elle n’a pas perdu énormément de poids par rapport à ce qu’elle aurait voulu. On ne comprend pas tout aujourd’hui du tissu adipeux, le tissu qui stocke nos réserves sous forme de gras. Quand on grossit beaucoup, on multiplie les cellules graisseuses, il se passe beaucoup de mécanismes complexes au niveau de ces tissus et il semble qu’on ne puisse pas forcément revenir à la situation de départ, que notre poids d’équilibre a changé et augmenté vers le haut (j’ai fait un épisode de podcast sur le poids d’équilibre).

Je garde cependant en tête cette interrogation : le corps arrive à perdre beaucoup de kilos quand on fait de la chirurgie bariatrique – où forcément, on est extrêmement contraint en termes de quantités par la taille de l’estomac. Pourquoi, ne pourrait-on pas arriver à perdre beaucoup de poids, très tranquillement, sans opération ?

Edith mange pour des raisons émotionnelles

Autre expérience, celle d’Édith. Édith a une relation émotionnelle à la nourriture depuis très longtemps. Précisément depuis le divorce de ses parents quand elle avait 7 ans. Elle a cherché du réconfort dans la nourriture parce qu’elle était triste, et aussi parce qu’elle était souvent seule au moment du goûter et elle mangeait beaucoup à ce moment-là. Ça lui a fait prendre du poids au fil des années mais pas trop parce qu’elle était très active, elle bougeait beaucoup, elle faisait du sport. Ça s’est accentué en grandissant et elle a continué à grossir parce qu’elle avait toujours cette relation à la nourriture.

Assez classiquement, elle a essayé des régimes mais ça n’a pas marché, en fait ça n’a fait qu’aggraver ses difficultés et ça a créé beaucoup de culpabilité puisque les aliments-doudou, les aliments qu’elle mangeait pour se réconforter sont devenus dans sa tête des aliments mauvais, des aliments grossissants. Elle est rentrée dans ce cercle vicieux d’aller de moins en moins bien quand elle grossit parce qu’elle s’en veut, et donc elle mange pour se consoler. Le régime n’est jamais la solution, mais peut-être encore moins quand on a une relation émotionnelle à la nourriture.

J’ai une approche toujours personnalisée et pas un protocole rigide : par exemple, dans le cas d’Édith, il ne s’agit pas de commencer par renouer avec les sensations alimentaires. D’abord  parce que quand tout va bien, elle sait quand elle a faim et, si elle est attentive, elle sait même s’arrêter de manger. Mais tout cela est complètement brouillé par les émotions. Donc on a travaillé sur cet aspect émotionnel, d’abord sur les émotions liées à l’alimentation : arrêter de culpabiliser de manger du chocolat ou des gâteaux pour se réconforter, arrêter de s’en vouloir d’agir ainsi. Et puis il y a eu un travail de reconnaissance et d’accueil des émotions qui la faisaient manger, à des degrés divers : il y avait une part d’habitude, de stress et de besoin de décompresser, de difficulté à accepter de ressentir des émotions désagréables.

Édith faisait un travail thérapeutique en parallèle et ce qu’elle constatait en décortiquant les mécanismes qui la faisaient manger a été un matériel précieux pour avancer avec sa thérapeute. À ce sujet, j’avais écrit un billet de blog sur le choix entre voir une diététicienne – une diététicienne formée aux comportements alimentaires globaux – ou un psychologue : ça dépend. Parfois ça se fait en parallèle ou successivement.

Je ne prétends pas du tout être psychologue, je travaille sur la compréhension des émotions et cela est utile : ce qu’on comprend par l’aspect de l’alimentation émotionnelle peut permettre de comprendre aussi ce qui se passe derrière, qui peuvent être des difficultés affectives, relationnelles, de confiance en soi, d’estime de soi, des traumatismes : tout ça peut être à travailler dans un autre cadre. En apprenant à accueillir plus facilement ses émotions, en trouvant aussi d’autres moyens de se faire du bien et de se détendre, en déculpabilisant, Édith a constaté que ses besoins de réconfort devenaient plus occasionnels. Et puis que ça ne la faisait plus rentrer dans un engrenage de craquage. Et donc elle a tranquillement retrouvé une silhouette qui lui convenait, et puis beaucoup plus de légèreté mentale aussi.

Chloé est en quête du poids idéal

Dernier exemple, Chloé. Chloé est une jeune femme de 25-26 ans qui a une silhouette mince et vient me voir parce qu’elle veut perdre 5-6 kilos pour atteindre le poids qui lui parait idéal. Je ne juge jamais la demande des personnes qui viennent me voir, parfois des patientes me racontent qu’on peut minimiser leurs problèmes, leur dire qu’elles n’étaient pas en surpoids et donc qu’on ne veut pas s’occuper d’elles. Ce n’est pas ce que je fais : j’essaye de comprendre, j’écoute et je travaille sur la motivation qu’il peut y avoir derrière l’envie de mincir ou derrière les difficultés qu’on a dans son rapport à son corps.

Comme Chloé était dans une logique de se restreindre pour perdre ces quelques kilos, elle avait des craquages, donc en traitant cela, en la libérant de cette logique de restriction, elle a perdu 2-3 kilos, qui n’était pas ce qu’elle visait au départ, en fait elle est revenue à son poids d’équilibre, le poids qu’elle peut maintenir naturellement sans faire d’efforts. Mais par contre descendre sous ce poids d’équilibre ne peut se faire que par la restriction, la privation, et donc ça, ça ne tient pas dans la durée.

Alors il y a plutôt un travail d’acceptation, de regard plus bienveillant sur son corps, et finalement chez Chloé, cela a été assez facile : elle m’a dit qu’elle se sentait tellement libérée dans sa tête que finalement -ce qu’elle n’aurait pas du tout imaginé au départ-, faire 2-3 kilos de plus ou de moins, ça n’était pas si important que ça et elle pouvait vivre avec.

Voilà, je vous ai donné cinq exemples, et vous voyez qu’on peut perdre du poids sans régime avec différentes situations, différentes histoires alimentaires. La limite, c’est que – ce que je disais pour Chloé – on ne peut pas descendre sous son poids d’équilibre sans régime. On peut le faire mais ça va nécessiter de la restriction, donc il est plus que probable qu’on reprendra ce poids et donc c’est important d’être réaliste par rapport à sa morphologie et à l’idée d’un poids idéal qui ne serait pas du tout conforme à son corps.

Par ailleurs, quand on a fait beaucoup de régimes yo-yo, qu’on a pris beaucoup de poids par ce mécanisme, peut-être qu’on pourra perdre un peu de poids, peut-être qu’on en perdra beaucoup, mais il se peut que le poids d’équilibre ai changé, que la perte de poids soit modérée et on ne peut pas vraiment le savoir à l’avance. Dans tous les cas, on peut cependant faire la paix avec la nourriture et donc se libérer de la culpabilité, libérer toute la place que ça occupe dans la tête.

J’espère que cet article a clarifié certains points pour vous.

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