« Dois-je consulter une diététicienne ou un psy ? », c’est une question qui m’est posée de temps en temps. Soit dans un premier contact avant une éventuelle prise de rendez-vous, soit au premier rendez-vous quand on décide de continuer. La question peut se poser si on sent qu’on a une relation un peu compliquée à la nourriture. Il n’y a bien sûr pas de réponse générale. Voici un éclairage personnel.

Comme le formulent certaines personnes, je ne suis pas une « diététicienne classique ». Une diététicienne « classique » travaille sur l’équilibre alimentaire, explique quoi manger pour perdre du poids, donne souvent un régime ou des menus à suivre, vous « gronde » si vous avez craqué sur la tablette de chocolat, ou se trouve démunie pour vous aider sur cet aspect.

Pour ma part, je travaille avec une approche globale du comportement alimentaire. Je n’ai jamais souhaité donner de régimes. Juste après le BTS diététique, je me suis tout de suite formée auprès du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (G.R.O.S) qui propose une approche « bio-psycho-sensorielle ». J’ai poursuivi ensuite par diverses formations notamment autour du goût, des thérapies ACT (thérapies d’acceptation et d’engagement) et de la pleine conscience.

Si vous avez une relation perturbée à la nourriture depuis un certain temps, il risque de ne pas être très utile de voir une diététicienne, voire un médecin nutritionniste, qui va vous maintenir/ramener dans la restriction. Qui va vous donner un cadre vous disant exactement ce qu’il faut manger sans prendre en compte votre mode de vie ou vos préférences. Alors que vous savez déjà fort bien comment manger équilibré. Si on vous donne un cadre strict, vous risquez d’en sortir à un moment donné. Et de culpabiliser…

Pour ma part, je travaille sur divers aspects, qui varient selon la personne et son histoire alimentaire :

  • Revenir à l’écoute de ses sensations alimentaires (manger quand on a faim, s’arrêter quand on n’a plus faim),
  • Manger avec attention, consciemment, savourer ce qu’on mange,
  • Comprendre pourquoi on mange pour d’autres raisons que la faim (par habitude, pour finir son assiette, pour calmer un stress, une frustration, une angoisse, pour faire comme les autres, …) et travailler progressivement à modifier ces habitudes.
  • Travailler sur les éventuelles envies de manger qui seraient conséquences des périodes de régime et de restriction.
  • Manger varié sans privation en comprenant ce qui peut l’empêcher (goût, habitude, problème d’organisation, manque de temps, manque d’idées…).
  • Faire la paix avec tous les aliments, ne pas s’en interdire.
  • Se réconcilier avec sa silhouette correspondant à son poids d’équilibre, qui n’est pas toujours le poids rêvé.

Dans ce contexte, le travail sur l’aspect émotionnel peut être plus ou moins complexe et approfondi. Par mes diverses formations et apprentissages, je peux accompagner la personne vers la prise de conscience de son ressenti émotionnel, de ses pensées pénibles, et apprendre à les accueillir plutôt que vouloir les fuir, développer ainsi sa tolérance émotionnelle, chose qu’elle n’a pas forcément appris si elle a très tôt « appris » à calmer ses émotions en mangeant (ce qui est parfois mis en place par les parents).

Souvent, cela se passe bien, en persévérant, en étant à l’écoute de son ressenti. Mais parfois, on constate que certaines émotions sont très récurrentes, que certaines réactions sont disproportionnées face un événement. Car cela réveille une douleur plus profonde. Prendre conscience qu’on mange pour calmer, anesthésier, fuir certaines émotions trop pénibles, permet de mieux les cerner et peu à peu, souvent, d’identifier ce qu’il y a vraiment derrière. En effet, des émotions intenses, des jugements négatifs, des blocages, peuvent être dus à des causes profondes telles que, par exemple, un manque affectif qu’on essaie de combler, un manque d’estime de soi qui crée d’incessants discours internes d’auto-critique, une expérience traumatique qu’on veut enfouir, une peur de séduire qui rend nécessaire une couche de protection, des difficultés dans les relations aux autres …

Je ne suis pas psychologue. J’aide la personne à identifier cela ou à le mettre en mots. Ensuite, un travail avec un autre thérapeute peut être souhaitable. Mais je crois, et constate, que ce défrichage émotionnel peut vraiment être utile et faciliter/mieux cibler le travail thérapeutique. D’ailleurs, il arrive que certaines personnes qui me consultent arrêtent au bout de 3-4 rendez-vous en me remerciant de les avoir aidées à comprendre que ce n’était pas un problème alimentaire dont elles devaient s’occuper.

Bref, si vous souhaitez aller voir une diététicienne, interrogez-la sur son approche. Si vous allez voir un(e) psychologue, essayez peut-être de trouver une personne sensibilisée au comportement alimentaire (mais ce n’est pas si fréquent). Ou si vous le jugez nécessaire et le pouvez (ce qui implique une disponibilité et un budget bien sûr), et ce que font certaines de mes patientes, faites un travail conjoint avec un psychothérapeute et une diététicienne. J’ai ainsi suivi un certain nombre de patientes en co-thérapie avec la psychologue Sophie Cheval (nos cabinets sont proches) et c’était vraiment productif. Elle ne prend plus de nouveaux patients actuellement et j’oriente les personnes qui le souhaitent vers d’autres thérapeutes de confiance.

J’espère que ce billet vous éclaire sur ce sujet. Et rappelez-vous que la relation est clé, il est donc essentiel de trouver le/la professionnel(le) qui vous convient.