Stop au perfectionnisme qui gâche la vie des femmes !

Il m’a semblé important d’évoquer ici (après le podcast*) le thème  du perfectionnisme (ou peut-être devrais-je dire l’excès de perfectionnisme ?). Pourquoi ? Parce que je rencontre beaucoup de femmes très perfectionnistes qui souffrent vraiment des conséquences de cette attitude. C’est parfois vraiment terrible, source d’un profond mal-être.

Je me souviens par exemple d’une patiente, Sophie. Elle était mariée, avait deux jeunes enfants, un boulot avec beaucoup de stress et de responsabilités. Elle avait une silhouette mince, une allure élégante. Il est probable que bon nombre des personnes qui la côtoyaient la trouvaient parfaite. Elles l’enviaient peut-être, avaient l’impression que tout lui réussissait. Sauf que Sophie souffrait de boulimie et se faisait vomir depuis près de 20 ans. Elle avait des crises où elle mangeait énormément et, en même temps, ne pouvait supporter l’idée de grossir. Au moment de me consulter, craignant pour sa santé, épuisée de se cacher sans cesse, elle voulait sortir de cet enfer mais elle ne voulait pas prendre de poids non plus.

Elle m’avait demandé d’un air perplexe : « je ne comprends pas, je maîtrise tout dans ma vie, tout va bien, mais je ne maîtrise pas ça, la nourriture. Comment ça se fait ? » J’avais alors émis l’hypothèse que, justement, c’est parce qu’elle voulait tout maîtriser, tout gérer à la perfection qu’elle finissait par avoir besoin d’une soupape, d’une échappatoire à toute cette pression qu’elle se mettait. Et que c’était la nourriture qui jouait ce rôle. Donc, sortir de ce carcan qui générait de la honte, du mal-être, de la culpabilité, ça devait, entre autres, passer par une diminution de cette pression. Accepter peu à peu qu’il y ait des moments, des actions, des choix imparfaits dans sa vie…

Je le disais plus haut, je vois souvent des femmes qui veulent, à des degrés divers, que tout soit parfait. Certaines sont ainsi en quête depuis longtemps du corps parfait. Ce corps parfait qui ne peut pas exister en soi, puisqu’on est toutes différentes, avec notre morphologie particulière. Mais on se base en fait sur les normes de l’époque : les corps qu’on voit dans les magazines, la mode, sur Instagram. Actuellement, ce serait plutôt un corps mince, musclé, avec quand même des formes féminines bien placées. Cette quête du corps parfait entraîne bien souvent dans la spirales des privations alimentaires, des régimes, du sport à outrance, …

D’autres femmes se mettent la pression pour avoir une alimentation parfaite. Elles lisent, se documentent beaucoup, écoutent les gourous du healthy, du sans ceci, sans cela, sans gras, sans gluten, sans sucre, et finissent par être perdues, ou alors basculent dans ce qu’on appelle l’orthorexie : l’obsession de manger sain qui stresse terriblement et désocialise progressivement.

D’autres, comme Sophie, veulent cocher toutes les cases de la femme parfaite, dans la vie professionnelle et personnelle. Cet objectif de perfection génère un stress énorme, une pression permanente, qui ne sont pas tenables dans le long terme. Donc, beaucoup de femmes dans cette situation ont besoin d’une compensation, d’une soupape, d’un apaisement. C’est souvent la nourriture, ça peut être aussi les médicaments, le tabac, l’alcool… Tellement de femmes me racontent le moment où elles peuvent enfin souffler, décompresser, avoir un moment pour elles, mais il est tard, elles sont épuisées, et la seule chose plaisante et facile, accessible à laquelle elles peuvent penser, c’est de manger, souvent une nourriture sucrée réconfortante, en culpabilisant en plus. Certaines prennent du poids, laissent faire, peuvent s’oublier, oublier leur corps car elles ont trop de choses à gérer, et se retrouvent à 45 ou 50 ans avec vingt kilos en plus. D’autres se lancent dans des régimes pour garder la maîtrise de leur corps et entrent dans la spirale : je perds, je reprends, je reperds,
je reprends davantage, je me restreins, je craque…

Par le fil de la nourriture, j’aboutis donc ainsi assez fréquemment au perfectionnisme. C’est quoi ce perfectionnisme ?
C’est une tendance à se fixer dans différents domaines des objectifs très élevés, vouloir atteindre quelque chose qui serait parfait et à se mettre beaucoup de pression pour atteindre cela. Bien sûr, cen’est pas un problème d’avoir des ambitions, de vouloir être excellente dans son domaine. Mais ça devient compliqué si ces objectifs sont trop élevés, irréalistes, ou qu’on en cumule trop à la fois.

Le problème, dit la psychologue Claire-Marie Best, c’est l’hyper-perfectionnisme. La pression excessive qui stresse et épuise. Comment ça commence ? C’est complexe, il y a plein de situations différentes. Mais il y a sans doute souvent une part de la source dans l’enfance, soit parce que vous avez eu des parents très exigeants, qui vous mettaient beaucoup de pression à réussir à l’école, dans le sport ou dans d’autres domaines, qui pensaient que vous pouviez toujours faire plus, faire mieux. Je me souviens par exemple d’une patiente qui me racontait que, si elle rentrait avec un 19/20, on lui faisait sentir qu’elle aurait pu avoir 20/20 !!! Soit parce que vous-même, vous vouliez leur faire plaisir, en étant très gentille, très attentionnée, très bonne élève. Peut-être pour leur épargner des soucis, parce qu’ils en avaient d’autres par ailleurs, ou parce que vous aviez l’impression que c’était ça qui attirerait leur attention, qui leur ferait plaisir.

Peut-être que c’est arrivé plus tard, à l’adolescence ou l’âge adulte, parce que la société impose des standards très élevés dans plein de domaines, particulièrement aux femmes, sans se soucier de la possibilité de les atteindre. Si on prend la beauté et la minceur par exemple, on vous fixe des standards de beauté inatteignables, en vous montrant des filles non seulement sélectionnées pour leur silhouette, mais souvent quasiment privées de manger, très maquillées, et même avec tout ça, dont les photos sont retouchées (mention désormai obligatoire en principe…), la cellulite effacée, les jambes affinées ou allongées, etc.

Bref, beaucoup de femmes se fixent des niveaux d’exigence très élevés envers elles-mêmes et veulent cumuler ça dans tous les domaines de leur vie : être parfaite au travail : sérieuse, ambitieuse, efficace, bosseuse ; rester attentionnée et séduisante dans le couple ; avoir une famille où tout va bien, être une bonne maîtresse de maison, attentive à ses proches ; maîtriser son corps par l’alimentation et le sport, etc. On nous fait croire qu’on peut mener tout cela de front, sauf que ça finit par craquer, car la perfection n’existe pas ! C’est une illusion, qui profite largement à tout l’énorme marché de la minceur… .

J’évoque ci-dessus les conséquences alimentaires du perfectionnisme, du craquage sur la nourriture pour compenser la pression. Il y a plein d’autres conséquences du perfectionnisme excessif. D’abord, ça entraîne une tendance à être dans le tout ou rien, voir tout en noir ou blanc : « si je ne réussis pas parfaitement, je suis nulle ». Ainsi, on développe beaucoup d’autocritique envers soi-même, parce qu’on a l’impression que ce qu’on fait n’est jamais assez bien par rapport aux exigences très élevées qu’on se fixe, et du coup on est dans l’insatisfaction permanente. Cette attitude de tout ou rien, elle se retrouve dans la pratique du régime : si vous ne tenez pas le régime parfaitement, si vous faites un écart, tout est fichu, alors autant se gaver, et on se remettra à un autre régime plus tard.

Le perfectionnisme peut mener aussi à un certain immobilisme : puisqu’on veut tout réussir parfaitement, et qu’on n’est pas sûre de pouvoir le faire, autant ne rien faire, se dit-on parfois : finalement, il vaut mieux ne pas se lancer dans une activité, un projet si on n’est pas sûre d’y être au top, et ça peut générer de la frustration, des occasions manquées. Ça entraîne aussi à se comparer, et souvent à se dévaloriser, trouver que les autres femmes font toujours mieux : la cuisine, le sport, l’éducation, bien s’organiser, mener toutes les activités de front. Alors que probablement il ne faut pas se fier aux apparences, et elles aussi, elles ont leurs faiblesses.

Est-ce que vous vous reconnaissez dans certaines de ces attitudes ? Est-ce que vous en souffrez ? Est-ce que vous utilisez la nourriture pour compenser la pression et le stress ?

Que faire alors ? Il ne s’agit pas de tout lâcher. Je me souviens d’une patiente qui avait compris les méfaits de son perfectionnisme, mais elle m’avait dit « j’ai peur que si je lâche ça, tout s’écroule ». Toujours cette idée du tout ou rien. Il ne s’agit pas de ça bien sûr, mais de retrouver davantage de souplesse, de bien-être, moins de pression. D’abord il s’agit peut-être, si vous ne l’avez pas déjà fait, de prendre conscience des
domaines où vous êtes vraiment exagérément exigeante.

Et ensuite vous recentrer sur vous, pour identifier les domaines qui comptent vraiment, qui sont prioritaires. Est-ce que vous ne donnez pas trop de place au travail par exemple ? Ou à avoir une maison parfaitement ordonnée ? Est-ce que c’est vraiment ça le plus important dans votre vie ? Vous pouvez réfléchir aussi à ce que vous allez gagner à être un petit peu imparfaite. Peut-être du temps pour vous, moins de stress, des relations apaisées à votre environnement, à votre famille. Et dans ces
domaines importants, du coup vous pouvez peut-être accepter de vous assouplir un peu, de faire les choses moins parfaitement. Il est souvent utile d’identifier et de prendre du recul sur des croyances installées sur ce qui est incontournable, et faire des expériences de petits changements progressifs.

Si on prend l’exemple de l’alimentation : il est normal d’avoir envie de manger sainement, de faire du bien à son corps mais sans que ça devienne obsessionnel, sans que ça vous stresse ou que ça vous fasse culpabiliser, ou que ça vous désocialise. OK, par exemple, pour apporter sa gamelle, son bento au bureau pour maîtriser ce qu’on mange mais peut-être pas tous les jours, si ça vous empêche de sortir déjeuner avec les collègues et vous conduit à déjeuner toute seule devant votre ordinateur. OK pour cuisine maison, acheter de saison, local, bio, mais il ne s’agit pas de culpabiliser si vous emmenez parfois vos enfants au fast-food ou que vous achetez des plats surgelés ou des conserves, ou que, certains soirs, vous faites juste des pâtes au beurre parce que vous êtes fatiguée.

L’alimentation parfaite n’existe pas : c’est un vaste bricolage où l’équilibre se fait dans la durée. Et puis, qu’est-ce que ça apporterait une alimentation parfaite ? On n’est absolument pas sûre d’éviter toutes les maladies qui sont trop complexes pour être certaine d’y échapper…

D’ailleurs, à propos de perfection, attitude que j’ai lâchée il y a fort longtemps pour ma part : si j’étais très perfectionniste, le podcast n’aurait probablement pas existé, car je serais encore à chercher à améliorer ma voix, à peaufiner les textes, à réfléchir aux meilleurs enchaînements d’épisodes… De même, je n’aurais sans doute pas écrit de livre, hantée par la peur d’imprimer un texte imparfait… Bref, vive l’imperfection qui nous fait avancer !

Est-ce que tout cela vous parle ? Vous sentez-vous plutôt côté perfection ou imperfection ? Ou est-ce que cela dépend des domaines ?

* Je poursuis petit à petit la transcription (déléguée) de quelques épisodes de BCBT Le Podcast. Cette fois, c’est le 24e épisode (légèrement réadapté) qui était consacré au perfectionnisme.

Visuel Piumadaquila

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