Peut-on maigrir sans régime après des régimes, des réponses !

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Ariane Grumbach - L'art de manger

J’avais mis un peu de suspense dans le billet qui commençait à traiter de ce thème. Quelques commentaires ont un peu rompu ce suspense en parlant de leur situation particulière, merci à celles qui les ont fait, et voici les réponses concernant les quatre personnes dont je vous parlais.

Lors de mon intervention au CHI de Clermont, j’ai en effet pris l’exemple de plusieurs patients en proie au découragement post-régimes et en quête d’une voie alternative. Parlons donc (de façon forcément très résumée) du travail fait avec ces quatre patients :

Jules, bon vivant, qui aime faire la fête avec abondance et qui n’a jamais réussi à tenir un régime. D’abord, il a fallu commencer par faire lâcher à Jules l’idée que le contrôle était une démarche adaptée à l’alimentation et le faire passer à une écoute des besoins de son corps, ce qui était très nouveau pour lui. Cela l’a conduit peu à peu à diminuer les quantités en réalisant que cela lui suffisait largement, à ralentir son rythme à table, à varier son alimentation en y trouvant un plaisir de découverte. Tout cela lui a aussi fait prendre un certain recul sur son mode de vie, à prendre d’avantage de temps pour lui, à intégrer avec du plaisir une activité sportive dans son emploi du temps. Ainsi, il a perdu tranquillement mais quand même assez rapidement une vingtaine de kilos, il se sent beaucoup mieux dans son corps et il a réduit aussi sa consommation de vin, ce qu’il croyait impossible.

– Rosette, d’âge mûr, qui a des dizaines d’années de régime derrière elle et alterne des périodes de restriction et des périodes où elle se jette sur les aliments interdits. Là aussi, Rosette a commencé par redécouvrir l’écoute de sa faim et de son rassasiement alors qu’elle ne laissait plus de place qu’à sa tête, classant les aliments en bons et mauvais. Puis il a fallu faire la paix avec ces « mauvais aliments », plutôt salés : fromage, pâté, saucisson, … en apprenant à les déguster avec attention, en se rendant compte qu’on pouvait se faire très plaisir avec une petite quantité, en expérimentant que les intégrer dans son alimentation n’empêchait pas de perdre du poids. Ainsi, Rosette a fait la paix avec les aliments, est sortie de l’attention obsessionnelle qu’elle leur portait. En revanche, elle n’a perdu qu’une dizaine de kilos (ce n’est pas négligeable !), bien loin de l’idée qu’elle se faisait au départ. Elle a dû accepter ce corps, ce qui est vraiment difficile, d’autant plus que quand on avance en âge et en poids, il y a souvent un inconfort physique, des douleurs articulaires, … Mais quand la tête va beaucoup mieux, c’est quand même un peu plus facile…

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– Sylvette, qui mange dès que cela ne va pas bien émotionnellement et dévore le soir devant la télé. Le travail a été long avec Sylvette : elle n’avait pas de problème à reconnaître ses sensations alimentaires mais elle les écoutait rarement car elle était tout le temps perturbée par ses émotions, liées à des petites ou grandes difficultés. Elle aimait bien manger de tout mais souvent le stress, la fatigue, une quasi-déprime lui enlevait toute envie de cuisiner quelque chose de savoureux. Peu à peu, elle a appris à prendre du recul sur ses émotions, à les reconnaitre et les accepter. Lâcher un certain nombre d’exigences, élaguer son emploi du temps et prendre soin d’elle-même lui ont permis d’être en meilleure forme et mieux dans sa tête. A partir de là, des envies de s’organiser, de bien manger, de cuisiner sont revenues. Et une envie de bouger aussi, qu’elle avait eu tout au long de sa vie. Tout cela lui a permis de perdre ses kilos émotionnels et de retrouver un corps où elle se sent très bien.

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– Charlotte qui est en restriction permanente et que cela entraîne dans de fréquents craquages. Charlotte apparaitrait à chacun comme une jeune femme au corps parfaitement proportionné et elle souffre d’ailleurs qu’on ne la prenne pas au sérieux dans ses difficultés alimentaires. Pour ma part, je ne juge personne, j’accompagne, j’aide à changer ce qui ne va pas. Charlotte a ainsi accepté de ralentir le rythme, de prendre la peine de déguster avec attention tous les gâteaux qu’elle engloutissait pour se rendre ainsi compte de ceux qui n’étaient pas si bons que cela. C’est en commençant à voir la courbe de poids s’inverser un peu qu’elle s’est détendue et a accepté de manger de tout sans culpabilité. Elle a ainsi perdu 2 kilos et elle a reconnu le grand bénéfice de se libérer la tête de ses obsessions alimentaires. Toutefois, elle rêvait d’un poids encore un peu inférieur et je ne suis pas certaine que le travail entamé pour qu’elle accepte son corps et accorde moins d’importance au regard des autres aie vraiment porté des fruits durables. Il serait sûrement souhaitable qu’elle poursuive un travail autour d’une estime de soi fragile qui se focalise trop sur le physique, sujet complexe et long à prendre en charge.

Bien sûr, ce sont des cas particuliers, il n’y a aucune règle générale à en tirer, chaque histoire alimentaire a des ressorts singuliers et c’est d’ailleurs pourquoi aucune offre générique d’amaigrissement ne peut être appropriée, et encore moins quand on a sérieusement détraqué sa relation à l’alimentation.

J’ai l’impression que ces récits ont intéressé et concerné le public vu le nombre important de questions, les personnes qui sont venue me remercier après la conférence et le très gentil message que m’ont envoyé les organisateurs, me « remerciant pour la qualité de l’intervention appréciée à l’unanimité ». Ça fait plaisir ! Et si cela pouvait être un minuscule coup de canif supplémentaire dans l’épaisse cuirasse des régimes en tous genres…

Visuels © kyoko – Fotolia.com

11 réponses
  1. Anne
    Anne dit :

    Merci pour ces exemples précis qui donnent de l’espoir sans toutefois promettre la lune.
    Comme précisé sur le post précédent, pour moi qui suis un mélange de Sylvette et Rosette le travail est déjà en cours. 😉 Et je mise sur la durée et l’esprit zen bien plus que sur les résultats en termes de perte de poids, même s’ils sont espérés en bonus. Donc ça ne peut que marcher 🙂
    Longue vie à ce blog !

  2. misty
    misty dit :

    Ce post me rassure un peu. J ai du faire mon premier régime à l age de 5 ans…et ça c’est plus ou moins poursuivit tout au long de mon enfance/adolescence (avec des pauses que ma mere n appreciait guere,d’ailleurs). J ai le souvenir d’avoir fait de premiere compulsions faire 8 ans….a 14 ans, j ai fait une diet protéiné, avec un generaliste…j etais déjà boulimique depuis deux ans (avec et sans vomissements). ce regime a 14 ans, a été surtout le debut de l’anorexie….puis j’ai alterné les deux….des années. Avec des moments trés noirs, trés durs, des periodes de boulimies intenses et quzi non stop, et des periodes de restrictions avec chute de poids….ça faut 18 ans….que je traine tout ça. j ai 30 ans, un petit garçon, un bon suivi, j avance, je le sens, je le sais….mais ça reste difficile, j ai perdu plus de 12 kg cette derniere année, alors que je n’etais objectivement pas en surpoids….les tca prennent une place enorme dans ma vie et dans ma tête….Là, ces temps ci ça va un peu mieux, ça recommence a aller mieux….je me decourage parfois, j’ai peur de prendre trop vite trop de poids, j ai peur que jamais mon corps ne trouve son equilibre, j ai peur de ne jamais m accepter, et j’ai peur de ‘l avoir détraqué à jamais…
    J ai un bon suivi, je vois un doc qui s y connait en tca, une psy specialisé en tca et pareil pour la dieteticienne, qui a a peu prés, la même conception des choses que vous, a priori….Mais elle est actuellement en congés, alors je vous avoue que je m’accroche un peu a votre blog en attendant, et prends tout ce qui peut me rassurer….
    Et…j aurais une question à vous posez, mais je ne sais pas ou je peux le faire….
    merci d avoir pris le temps de me lire.

  3. April
    April dit :

    Ma maman est une Sylvette, elle mange avec ses émotions et ne veut pas pour l’instant en changer. Elle vit une mauvaise période émotionnelle ces temps (cela dure depuis plus d’un an) et du coup sa prise de poids s’aggrave encore.
    Elle a peur qu’une diététicienne, nutritionniste la juge. Je me tue à lui dire que ce n’est pas votre rôle, elle ne l’admet pas et ne se fait donc pas aider, elle continue de prendre du poids et à se sentir une moins que rien.
    Elle pense aussi qu’on ne va pas la comprendre, qu’on va essayer de la faire changer,… Je ne sais plus quoi faire pour qu’elle soit heureuse dans son corps.

  4. Ariane
    Ariane dit :

    @April merci de ce commentaire, votre maman ne devrait pas renoncer à changer, surtout si cela la fait souffrir dans sa tête. Pour ma part (et je ne suis pas la seule diététicienne dans ce cas), je ne juge surtout pas, j’accueille, j’écoute, j’aide à comprendre et à changer ce qui peut l’être pour se sentir mieux. Il n’est jamais trop tard pour défaire le lien entre ses émotions et le fait de manger pour les apaiser mais peut-être n’est-ce pas le moment, c’est à elle de décider…

  5. Mag
    Mag dit :

    Je suis une rosette Sylvette de 80 kg pour 1.60 cm et complètement perdue. après beaucoup de régimes, de suivis par diététiciennes nutritionnistes, suivi psychologique je ne sais plus comment faire. J’ai lu « Maigrir sans régime » de Zermati et vu son émission sur france 2. Je m’y suis reconnue et j’ai trouvé ça sensé mais comment faire maintenant ? Je ne ressens plus la faim, je n’écoute pas mes sensations. Comment faire pour retrouver ça ?

  6. Ariane
    Ariane dit :

    @Mag comment faire, ce n’est pas forcément simple de vous répondre ici… la première chose à faire est d’essayer de ressentir à nouveau la faim si vous avez perdu cette sensation, en attendant suffisamment longtemps même si cela signifie de sauter 1 voire 2 repas. Et surtout ne perdez pas espoir, il n’est jamais trop tard pour retrouver la tranquillité alimentaire

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