Et la souplesse ? bordel !*

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Ariane Grumbach - L'art de manger

La souplesse, ce mot que j’emploie tous les jours dans mon travail et que j’ai pourtant, comme je l’ai déjà évoqué, oublié dans mon abécédaire à la lettre S, pourquoi est-elle si importante ? 

Je vois de nombreuses personnes enfermées dans un fonctionnement rigide, strict, discipliné, perfectionniste, qui se mettent une forte pression. Entre autres sur leur alimentation et leur silhouette. Or, comme tout le monde, elles peuvent rencontrer des difficultés, ne pas réussir à tous les coups, ou pas de la façon souhaitée. Et plus on se fixe des objectifs inatteignables, plus cela risque d’arriver… Si on est une personne à tendance rigide, on a tendance à vouloir que les choses se déroulent exactement comme prévu. Alors, si ce n’est pas le cas, patatras, désespoir !

Les personnes rigides ont tendance à voir les choses en noir et blanc, sans beaucoup de place à la nuance. Dans le contexte de l’alimentation, cela entraîne des comportements extrêmes, du style « tout ou rien ». Exemple : je me mets au régime avec détermination, je le suis strictement puis je craque sur des gâteaux que je m’interdisais. Puisque j’ai failli, je suis nulle, autant manger tout le paquet ! Et je recommencerai le régime demain. Une expression souvent utilisée par les personnes qui viennent me voir pour illustrer ce comportement, c’est « foutu pour foutu, autant continuer ! » Puis vient la culpabilité, l’auto-critique… 

Quand j’accompagne les personnes à retrouver l’écoute de leurs sensations de faim et de rassasiement, ce qui est souvent une nouvelle façon de manger pour elles après des années de régime, j’insiste souvent sur le fait que cela ne doit pas devenir une autre façon de manger rigide, avec de la culpabilité dès qu’on mange trop. Evidemment qu’il arrive de trop manger et le corps sait réguler cela en retardant le retour de la faim. Et on essaie peu à peu de comprendre pourquoi on mange trop, les raisons émotionnelles, familiales, alimentaires par exemple.

La rigidité peut aussi conduire à rater des occasions, comme cette patiente qui m’avait un jour raconté avoir refusé un déjeuner dehors a priori sympathique avec ses collègues parce qu’elle avait apporté son déjeuner et ne pouvait envisager de changer ses plans…

La souplesse justement, cela ne veut pas dire tout improviser ou s’affranchir des règles, mais cela veut dire accepter une part d’incertitude, une part de changement, accepter que chaque journée est différente et nécessite une part d’adaptation, accepter que la réalité et le fonctionnement humain sont complexes et rarement résumables à oui/non, blanc/noir. Il y a beaucoup de nuances de gris !

La souplesse, c’est refuser de s’enfermer dans le cadre d’un régime, c’est ne pas viser l’équilibre parfait dans son alimentation car la perfection n’existe pas en ce domaine comme je l’avais écrit

La souplesse, c’est aussi ne pas se dire qu’on fait trois séances de sport par semaine ou rien, qui conduit à tout arrêter au premier ralentissement de son entraînement. C’est s’autoriser à varier la fréquence selon les semaines, la disponibilité, la fatigue, …

La souplesse, ce pourrait être aussi peut-être d’accepter de manger occasionnellement un peu de poisson ou de viande même si on se dit végétarien, de l’œuf ou du fromage si on est végétalien, car les circonstances le demandent, que cela fait plaisir à un proche, que c’est parfois tellement plus simple…. Cela ne veut pas dire renier des choix ou des convictions, mais les vivre avec un peu de souplesse. C’est ne pas s’enfermer dans une case au cadre inamovible.

La souplesse mentale, c’est comme la souplesse corporelle : on a peut-être quelques facilités ou pas au départ. On a fait ses gammes dès l’enfance ou pas. Quoi qu’il en soit, on peut à tout âge s’entraîner, la cultiver, la développer peu à peu, jour après jour. Comme on se met au stretching, à la gym ou au yoga, on peut assouplir son esprit. Les psychologues parlent parfois de flexibilité mais je trouve le mot souplesse plus joli, davantage en harmonie avec ce qu’il signifie.

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Mais alors, comment assouplir son fonctionnement ? Je crois qu’on peut avancer petit à petit.

– D’abord, repérer qu’on est dans un fonctionnement binaire, rigide, tout ou rien, fermé aux solutions intermédiaires.

– Identifier une circonstance où on se met dans un fonctionnement rigide pénalisant, observer son discours intérieur et voir si on peut faire autrement. Exemple : quand on se rend compte qu’on se dit « au point où j’en suis, je termine le paquet », essayer de se dire « eh bien non, je peux arrêter de manger à tout moment, j’ai cette possibilité ». La souplesse, ce n’est pas manger zéro biscuit ou tout le paquet, c’est décider librement de la quantité qu’on souhaite manger, quelle que soit la raison.

– S’autoriser à faire des erreurs, à essayer des chemins nouveaux, à sortir d’habitudes bien ancrées, à assouplir les règles qu’on se fixe soi-même. Je vous donne un exemple personnel : j’avais pour habitude d’aller certains jours à la piscine à l’ouverture à 7 heures du matin pour être dans les premiers arrivés et avoir le plus de temps possible de relative tranquillité dans ma ligne de nage. Du coup, il pouvait m’arriver de carrément renoncer à y aller car m’étant réveillée en retard, je ne pourrais y être que 15-20 minutes plus tard. Je me suis dit un jour que c’était stupide, que ne pas nager me manquait, et j’ai alors accepté d’y aller un peu plus tard et de nager tant que l’affluence le permet. Bref, je m’adapte.

Et vous, cultivez-vous la souplesse ?
 

NB : ce billet est tout à fait imparfait mais plutôt qu’attendre indéfiniment de le publier, je me donne la souplesse de le modifier plus tard si besoin…

*Désolée pour ce titre un brin grossier, ceux qui ont des souvenirs cinématographiques un peu anciens verront l’allusion…

Visuel fotolia.com / olha_oleskova 

13 réponses
  1. Gregory On The Run
    Gregory On The Run dit :

    Je me reconnais totalement dans cette attitude du « tout ou rien ». Soit on contrôle tout … mais au prix d’un épuisement des ressources psychiques dont le stock s’amenuise au cours de la journée (occurrence des crises de boulimie plus forte le soir…) / soit l’on craque et dans ce cas on se flagelle (gros craquage ou abandon) pour ne pas avoir eu l’énergie de s’être conformé à SA règle qui est forcément trop stricte. Soyons indulgent avec nous même ! … un peu de tendresse envers nous même, zut alors!

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  2. Alcachofa
    Alcachofa dit :

    La souplesse c’est montrer et démontrer de la bienveillance envers… soi. C’est très difficile dans ce monde de brutes, je dirais particulièrement si on est une femme car il est loin d’être évident de se libérer des Il faut souffrir pour être belle et donc se contraindre le plus possible. Alors, que c’est tout le contraire et que lorsqu’on arrive à ouvrir les yeux on voit tant de diversité, de fantaisie et de couleurs. Pensée rigide, tout noir tout blanc, satisfaction à se tenir, à s’abstenir, il faut, il ne fait pas, 5 fruits 5 légumes, à bas le sucre, à bas le gluten, toutes sortes de rigidités qui nous interdisent la liberté d’être seul et avec les autres. Un vrai combat pour cette souplesse chérie. Mais quelle libération! Ouuuuuuffffff!

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  3. Ariane
    Ariane dit :

    @Gregory merci de votre témoignage en effet soyons gentils avec nous-même !
    @Alcachofa Oui, vive la liberté dêtre soi-même, la souplesse, l’auto-bienveillance !
    @Magali merci, pas si compliqué quand même…

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  4. Geneviève
    Geneviève dit :

    Ce billet est très juste…
    Depuis 2 mois, je n’arrive plus, je mange mal le soir… Je rentre fatiguée et stressée parfois alors je mange trop, n’importe quoi et je culpabilise en plus…
    Comme je marche beaucoup moins qu’avant, j’ai pris 3 ou 4 kilos et ça m’énerve.
    « Adepte » de Zermati (donc tout à fait sur votre longueur d’ondes), je n’arrive plus là. Je sais pourtant que ce sont les émotions qui me mènent pour l’instant mais bon…
    Alors je vais dire « souplesse » (qui rime avec… « tendresse, B…..l !) et attendre des jours meilleurs pour essayer de fixer des objectifs plus raisonnables.

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  5. Ariane
    Ariane dit :

    @Geneviève merci pour ce témoignage, ne vous découragez pas en effet, comme je l’ai déjà écrit, plutôt que culpabiliser, essayez de comprendre, ce que vous semblez déjà faire. Fatigue : s’agit-il de mieux/davantage dormir ? Stress : avez-vous besoin d’un sas de détente ? Avez-vous besoin de vous organiser pour avoir quelque chose de tout près à manger ? etc.

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  6. Alcachofa
    Alcachofa dit :

    Pour seul objectif, s’il en faut un, ou pourquoi pas plutôt se dire projet? celui de se sentir mieux. Donc en ce moment, nous (car moi non plus) n’y arrivons pas, et si nous laissons tomber de notre vocabulaire le terme « y arriver », laissions couler (bon, on se nourrit pas bien en ce moment, tant pis, ça ira mieux plus tard) et arrêtions d’y penser trop souvent?

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  7. Milky
    Milky dit :

    Je suis bien d’accord, vive la souplesse ! C’est en partie le propos de Tara Stiles, la prof de yoga très à la mode en ce moment, qui dit qu’un changement de vie même radical ne commence que rarement par un bouleversement total. Ça fonctionne plutôt par petits pas… Et j’ajouterai qu’en acceptant les échecs, les victoires seulement partielles (admettre que c’est déjà ça !) et les régressions, on progresse avec beaucoup plus de fluidité. Et Alcachofa a tout à fait raison, la souplesse va de pair avec la bienveillance.

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  8. Annie
    Annie dit :

    Je voudrais vous dire combien tout cela résonne en moi…des années de privations et de crises de boulimies. Grâce à plusieurs lectures dont : Savourez de Thich Nhat Hanh
    Ma cuisine intérieure de Michel Gillain..Zermatti et apfeldorfer bien- sûr..J’ ai réussi à m’en sortir…à quel prix !! Vous avez tellement raison : il ne faut rien s’ interdire . Apprendre à savourer et prendre du plaisir. Trop de gourous de l’ alimentation incitent encore à supprimer ceci ou cela.. auront-ils un jour à répondre de tous les troubles du comportement alimentaire qu’ ils entrainent ? ça me révolte, j’ en ai tellement souffert … et que de temps perdu..on ne me le rendra pas..au moins que mon témoignage serve à d’ autres..

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  9. Ariane
    Ariane dit :

    @Milky merci de votre retour ! A propos des échecs, Tal Ben Shahar, sorte de gourou de la psychologie positive a donné une citation intéressante de Thomas Edison lors d’une conf récente « I failed my way to success » : pas évident à traduire mais c’est en échouant, en acceptant d’échouer, qu’on réussit…
    @Annie merci beaucoup pour votre retour je suis évidemment en phase avec toutes ces lectures…Je me demande comment arriver à convaincre les personnes de tout cela avant qu’elles n’aient passé des décennies à se priver…

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  10. Annie
    Annie dit :

    Comme vous le faite, il faut donner des témoignages de gens qui ont plaisir à manger de tout.. ce que je m’ efforce de faire à ce jour. Quel plaisir de pouvoir remanger des confitures, du vrai beurre, du bon pain…en toute conscience. j’ ai compris, enfin, qu’ on peut tout manger, seule la quantité aura une incidence sur le poids. Il faut s’ écouter, se connaître…se faire plaisir.
    En remangeant de tout, j’ en ai terminé avec l’ obsession de gâteaux, de chocolat..et de tous les interdits .Mon cerveau a ce qu’ il faut, et j’ ai pu me libérer…après 3 décennies de privation.
    Surtout ne plus compter les calories ! quand je pense qu’ à une époque on conseillait l’ huile de paraffine pour la vinaigrette..
    Bon courage à vous pour convaincre, malgré tout ce qui continue à être véhiculé dans la presse féminine.. Le surpoids fait vendre ! rapporte beaucoup : Dr Cohen, Saldman..Dukan bien-sûr..

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