J’ai testé pour vous…le bracelet connecté !

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Ariane Grumbach - L'art de manger

Peut-être avez-vous entendu parler de tous ces objets connectés censés être bons pour notre santé, ce fameux « quantified self » (la mesure de soi). J’avais commencé à en  entendre parler, et de leur lien avec la santé, il y a un ou deux ans, notamment à une conférence de L’Atelier. La lecture d’un très bon dossier sur le sujet hier dans Libération me donne l’occasion de faire un point. Et je vais vous parler de ma propre expérience.

Car j’ai acheté il y a quelques mois  un bracelet connecté de la marque Fitbit, mon choix étant principalement guidé par le prix et la disponibilité via Android.

Un bracelet connecté à mon poignet, cela peut étonner… Cela va plutôt à l’inverse de ma pratique qui, pour une bonne part, vise à accompagner les personnes vers une meilleure écoute de leur corps, leur faim, leur ressenti émotionnel, leurs sensations gustatives… Plutôt que d’avoir les yeux rivés sur des repères extérieurs qu’il s’agisse du contenu de l’assiette, du comptage de calories, du chiffre sur la balance. Mais je suis plutôt de nature curieuse, non bornée (enfin, je crois…), je me tiens informée de ce qui se passe et j’aime souvent expérimenter moi-même pour parler d’un sujet… Et il est clair que les objets connectés prennent rapidement une place non négligeable dans notre environnement. On veut nous convaincre qu’ils sont là surtout pour notre bien…

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L’installation du bracelet est facile, on dispose d’un petit tableau de bord sur son téléphone où l’on peut mesurer plusieurs paramètres simples, qui sont déduits de façon automatique si on porte le bracelet.

– le nombre de pas (c’est la version moderne du podomètre…),

– le nombre de kilomètres parcouru (le nombre de pas x la longueur de votre foulée, à paramétrer),

– la dépense calorique (théorique puisque l’outil ne sait rien de mon métabolisme réel, de la façon dont mon corps dépense l’énergie),

– le déroulement de la nuit et la qualité du sommeil (profond, agité ou éveil).

Cela m’a amusée au début de comptabiliser mes pas. Je n’avais aucune idée de ce que représentaient mes habitudes. Je marche avec plaisir, pour aller d’un point à un autre, pour me promener, pour aller travailler, je n’ai aucun problème à zapper le bus ou le métro quand il est plus pratique de marcher … Je n’avais donc pas grand besoin d’être stimulée : le hasard a fait que le premier jour avec le bracelet, j’ai marché 17 000 pas alors que les programmes de santé cherchent à vous inciter à faire 10 000 pas (environ 1 heure de marche)… Je vous rassure, je ne marche pas autant tous le jours ! J’ai constaté que je marchais en général entre 6 000 et 13 000 pas selon mes activités.

Bon, une fois que je sais ça (et est-ce si important ?), pourquoi continuer à porter le bracelet ? Dans mon cas, je ne crois pas que cela m’ait fait marcher davantage. Toutefois, si on est attaché à un objectif ou une progression, parce qu’on marche très peu, cela peut contribuer à faire marcher davantage, en se fixant des étapes de progression. Comme un bon vieux podomètre… Et cela peut aider à positiver la marche quand on n’a pas très envie ou que l’on doit faire un détour, qu’on décide de marcher plutôt que prendre le bus.

Mais un usage temporaire peut tout à fait suffire, le temps de prendre conscience de ses habitudes, de s’essayer à marcher un peu plus si on est très sédentaire et d’installer une nouvelle pratique. Car, s’il y a plein d’autres façons de bouger pour le plaisir, marcher en est une facile, quel que soit son état de forme, et peu coûteuse. La dépense de l’outil est alors peut-être excessive et on trouve des applications pour téléphone semble-t-il.

J’ai pendant quelques jours gardé aussi le bracelet la nuit pour évaluer mon sommeil : j’ai « découvert » que j’avais parfois des phases de sommeil agité ou de réveil nocturne… je crois que je m’en étais rendue compte toute seule ! Et je ne trouve pas agréable de garder un tel bracelet pendant la nuit.

Mon  bracelet relativement basique ne donnait pas d’autre auto-mesure, il donne une consommation calorique théorique. On peut aussi entrer des données d’activité physique et éventuellement son alimentation, ce qui me parait extrêmement fastidieux.

Bref, un appareil qui me parait plus correspondre à un éventuel besoin ponctuel plutôt qu’à un usage permanent.

Or, c’est plutôt vers cela que certains s’orientent. Car ils ont l’obsession du comptage, du suivi, de l’atteinte de l’objectif. Je me doute qu’ils ne seront pas d’accord avec moi ! Mais, au-delà de l’aspect gadget et auto-motivation, les risques liés à ces objets sont multiples :

. côté personnel :
– devenir accro à cette mesure, avoir besoin en permanence de ce repère externe, ne plus pouvoir s’en passer,

– être donc (pour une raison supplémentaire à toutes les autres qu’on se crée) toujours les yeux rivés à son téléphone plutôt que de profiter du monde autour de soi,

– se déconnecter toujours plus de son ressenti interne, de sa réelle envie de bouger, d’activités non « rentables » en consommation énergétique,

. côté société :

– veut-on livrer une masse d’informations sur son hygiène de vie à des acteurs économiques, potentiellement intéressés à monnayer des données ou à les utiliser comme moyen de pression, de sélection, … Ce qui existe déjà un peu aux Etats-Unis. Peut-on envisager de caler votre niveau de Mutuelle sur l’attention que vous prêtez à l’exercice physique, à la qualité de votre sommeil… ? Comme le dit Libé, va-t-on pouvoir utiliser ces données pour traquer le moindre écart ? Et nous donner des « malus » ?

Cela ne risque-t-il pas de rajouter à la pression, déjà très forte, que subissent les individus de la part de la société (être mince, en forme, ne pas vieillir) et de l’entreprise (présence, performance…) ? Est-ce de ce monde « big-brotherien » dont nous avons envie ?

Moi, j’ai préfèré, tout bien réfléchi, lâcher mon bracelet ! De la même façon, j’ai refusé une offre insistante de me faire tester (pour la recommander à mes patients) une fourchette connectée : je préfère travailler sur le goût, l’attention, la conscience pour faire ralentir le rythme du repas !

En complément de ce billet, ce texte de l’excellent psychomotricien Pierre Dalarun est une très pertinente réflexion sur le sujet. A lire absolument !

Et vous, avez-vous une expérience, des envies, des craintes vis-à-vis de ces objets connectés ?

 

11 réponses
  1. Miss Alfie
    Miss Alfie dit :

    Je pense en effet que ce type d’objet a un intérêt pour faire une sorte de bilan. Ensuite, il faut voir comment on s’en sert et pourquoi.
    L’homme a une montre GPS assez sophistiquée dont il se sert pour ses séances de course à pied : cela lui permet de voir le temps, la distance, la vitesse, le dénivelé…
    Pour ma part, j’utilise sur mon portable une application qui me permet d’enregistrer quand je cours ou je marche : cela me motive en quelque sorte car j’ai envie de faire plus de kilomètres à pieds que le mois précédent, que l’année précédente… J’essaye de me fixer des objectifs qui m’aident à me motiver pour bouger.
    Ceci dit, porter en permanence un bracelet de ce type me laisse dubitative… Comme tu le dis, apprenons à nous écouter.

  2. Brigitte
    Brigitte dit :

    Ariane, moi j’ai deux appli sur mon portable qui m’ont permise de faire un bilan et de me booster un peu pour marcher.
    Je n’aimerais pas du tout la version bracelet, car je ne supporte déjà pas une montre 🙂
    mais sur le portable c’est parfait… on peut l’oublier ou s’en servir comme l’heure sur le portable.
    Brigitte
    http://www.brigitteathome.com

  3. Ariane
    Ariane dit :

    @Miss Alfie merci de ce témoignage. En effet, c’est différent quand on fait de la cours et qu’on veut une mesure précise de sa progression. Pour le reste, une fois qu’on a (re)trouvé le plaisir de marcher, pas la peine de mesurer un nombre de pas…
    @Brigitte en effet, comme dit dans le billet, pourquoi pas pour se booster et passer de 1000 à 2000, de 2000 à 3000 pas, etc. Puis arrêter de compter quand on a stabilisé des habitudes.

  4. nathalie
    nathalie dit :

    J’ai été très tentée d’en acheter un. J’ai un cardiofréquencemètre que je porte pour faire de la gym(type fitness cardio). C’est essentiel pour ma motivation. Je sais que l’activité physique reste pour moi du côté « corvées » (je marche mais pas par plaisir) donc je ne crois pas trop à la « stabilisation des habitudes » , j’ai besoin d’une piqûre de rappel permanente.
    J’ai renoncé au bracelet parce que ça me paraissait hypercompliqué à utiliser. Qu’est ce que tu en as pensé de ce point de vue là ? Je précise que je galère déjà pas mal avec mon smartphone avec lequel je ne fais pas grand chose, trop compliqué…

  5. Marie
    Marie dit :

    Je n’ai pas testé mais j’y vois un rèel danger a vouloir tout quantifier, tout mesurer et donc comme vous le dites a perdre le repère avec ses sensations mais aussi associer une notion de performance a des activitès qui devraient relever du plaisir… Peut etre suis je un peu trop sensible au jugement exterieur et aux chiffres qui s affichent mais en utilisant une montre de course je me suis apercue que j’ allais de moins en moins courir pour le plaisir et j ai si peu ecouter mon corps que je me suis blessee… Ca ressemble effectivement au pese personne/comptage de calorie/ quantite de nourriture des regimes! Peut etre que c’est utile pour se motiver a faire « mieux » mais si marcher (par exemple) n est pas un plaisir ca ne le deviendra pas avec une « note » d un bracelet! enfin j y vois l’effet pervers, pour les personnes plus sensibles de 1) s autoriser a manger plus/moins selon le nombre inscrit sur le bracelet et 2) se devaloriser si l objectif n apas ete atteint en fin de journee…

  6. Bonheur du Jour
    Bonheur du Jour dit :

    C’est un outil intéressant si on s’en sert avec discernement, comme pour tout. On peut devenir accro à son téléphone portable tout autant qu’à une montre connectée. J’en ai une, personnellement, qui me sert quand je fais du sport. Au début, comme vous, je l’ai portée tous les jours, car c’était comme un jouet (et on a le droit de jouer, même quand on a un certain âge !) et je comptais mes pas, je calculais la distance d’un point à un autre, etc… Maintenant, j’en ai un usage raisonnable, mon objectif de base étant de revenir progressivement à un usage d’un sport pour lequel j’ai un projet particulier.
    Bonne journée.

  7. Ariane
    Ariane dit :

    @Nathalie vraiment pas possible de trouver une activité de mouvement qui ne soit pas une corvée ?! Aucun bien-être à bouger ? Sinon, je ne suis pas vraiment une geek et j’ai trouvé cela facile. On charge l’appli sur son téléphone, on définit quelques paramètres (taille, âge,…) et on porte le bracelet : les données sont transmises automatiquement…
    @Marie oh que je suis d’accord avec vous !!!! Notre ressenti plutôt que des chiffres !
    @Bonheur du Jour du discernement, de la modération, de l’écoute de ses besoins, oh oui ! Bonne journée !

  8. Coxigru
    Coxigru dit :

    C’est drole comme ce genre d’article pululle en ce moment. Comme si on « découvrait » ce concept qui existe depuiq plus de 3a.
    Et foisonnent aussi les pseudo specialistres pronant le risque de dependance et l inutilité a long terme.
    Remettons les pendules a l heure : si cet objet permet a quelqu un de changer ses habitudes, d’amorcer une nouvelle façon de vivre, pourquoi s en priver sous de fallacieux pretexte? Vos propres habitudes vous conviennent? Parfait, ne prenez pas de bracelet. mais votre « test » est biaisé car il n offre aucune veritable experience.
    Personnellement, j’ ai commencé en 2012 a 65ans. Je marchais trs peu et avec difficulte, et j avais un surpoids a 90kg.´
    Ce Petit Machin m’a accompagné pendant 2a 1/2 mesurant au jour le jour les « metres » parcourus en plus. je dis bien les « metres? Et pas les km. J’ai ainsi demarré avec a peine un km soit 1500 pas environ. aujourdh ui j ai 15kg de moins et je fais des randonnees de 15km dans des pierriers et des sentiers difficiles.
    J’ai offert mon Fitbit a ma fille et je me suis achetee une montre Suunto qui me permet de mieux comprendre les effets de mes efforts autant sur ma santê (cardiopathie et asthme et un reste de surpoids) que sur ma resistance (mesure des temps de recuperation.
    Alors un mini test style j’ai jouénavec un truc qui n est pas pour moi me parait tres tres leger.

  9. Ariane
    Ariane dit :

    @Coxigru je ne me pose pas en pseudo-spécialiste ! Comme indiqué précédemment, je testais à titre personnel et pour faire part de mon ressenti à des personnes qui me poseraient la question. Même moi, j’ai observé que cela pouvait changer un peu la vision de la marche-corvée certaines fois. Par ailleurs, vous êtes l’exemple de ce que je disais : l’utiliser pour « s’auto-challenger » et changer peu à peu ses habitudes, mais alors, une fois que c’est intégré, pourquoi le garder ? Mais je comprends que vous puissez avoir besoin d’un autre outil plus ciblé sur vos soucis de santé

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