Halte à la grossophobie médicale !

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Ariane Grumbach - L'art de manger

Je ne compte plus les tristes récits de mes patientes sur des moments douloureux avec des personnes du monde médical, en cabinet ou à l’hôpital. Les nombreuses fois où elles consultent pour un rhume, une angine, un problème capillaire, un projet d’enfant… Et où, au lieu de se concentrer sur la demande, l’interlocuteur évoque leur poids. Rarement de façon sympathique et chaleureuse. Bien sûr, il existe une masse de soignants bienveillants et attentifs. Mais trop ne le sont visiblement pas. Ou pas avec tout le monde.

Je me souviens de patientes en pleurs au début de leur grossesse parce qu’on les avait sermonnées, alertées sur tout un tas de dangers potentiels (mais pas du tout automatiques) liés à leur poids, sommées de se mettre au régime… 

Je me souviens aussi d’une réunion d’une réseau hospitalier en charge du cancer du sein : on nous avait décrit comment les situations stressantes que vivent des personnes obèses lors d’examens, mammographies… pouvaient peu à peu en conduire certaines à arrêter le suivi médical.

Si j’en parle, c’est que le sujet a resurgi de deux façons concomitantes :

– le récit d’une patiente il y a une quinzaine de jours.

– un article dans Libération, reprenant notamment une série de tweets que j’avais vu passer.

Ce n’est pas la première fois que le sujet est abordé dans les medias : il y a eu par exemple un article dans TerraFemina en septembre dernier.

Les personnes en surpoids sont rares à ne pas être conscientes de leur situation corporelle et, très souvent, elles en souffrent. Elles vivent dans un environnement majoritairement hostile, sans compter les difficultés à s’habiller, l’inconfort physique… Mais elles n’ont pas forcément davantage de problèmes de santé que les autres : leurs analyses de sang sont souvent impeccables… Alors pourquoi les ennuyer avec leur poids quand elles ne consultent pas pour cela ?

Beaucoup de personnes en difficulté avec leur silhouette sont fragilisés, manquant de confiance en elles, souvent confrontées à un environnement qui souligne leur manque de volonté… Mais est-ce le rôle de professionnels de santé d’enfoncer le clou ? Certes, beaucoup croient sans doute bien faire pour la santé de leur patient mais ils méconnaissent totalement la complexité de la relation à la nourriture et au poids. Beaucoup croient que « yaka » manger moins, faire du sport, se discipliner. Ceux qui se renseignent ont peut-être entendu parler des régimes mais n’ont pas eu le temps de creuser. Tous ne seraient-ils pas au moins tenus à de l’écoute et et de la bienveillance ? Et au respect de chacun, quel que soit sa silhouette… ?

grossophobie monde médical, médecins et obésité, bienveillance, professionnels de santé et surpoids

Quand elles connaissent les travaux du GROS, qu’elles consultent un thérapeute qui en fait partie, elles se laissent moins impressionner. Ainsi, il m’arrive « d’entraîner » mes patientes à répondre du tac au tac au professionnel de santé, à ne pas se laisser faire, à le recentrer sur le motif de la visite… Bien sûr, il est aussi opportun de changer de médecin si ce n’est  pas trop compliqué…

Comme le dit Martin Winckler dans l’article de Libération : « Si la personne ne mentionne pas la question du poids, il n’y a pas lieu de l’aborder ». Suggestion : cela ne pourrait-il pas devenir un « mantra » à formuler calmement si on se trouve confronté à ce type de situation : « Je n’ai pas mentionné le sujet du poids, il n’y a donc pas lieu d’en parler » et le répéter, répéter sans se démonter ?

Avez-vous connu des expériences de ce type ? Qu’avez-vous fait ?

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28 réponses
  1. Sarah
    Sarah dit :

    Ah la question du poids… elle est compliquée pour ceux qui ont (dans leur tête au moins) un « problème de poids ». Paradoxalement la question la plus blessante à laquelle j’ai du répondre est celle du célèbre docteur Z (les GROS comprendront), sans aucune mauvaise intention, mais quand on a un « problème de poids » tout peut être mal interprété.
    Je le consulte suite à un régime hyper protéiné, je vois bien que ça n’a rien résolu à mes questions alimentaires. Mais je me sens super mieux dans ma peau et j’ai l’intention de le rester. Au moment du petit questionnaire pour faire connaissance, il ne me connait pas, me demande mon poids « 62kg » et enchaîne « c’est votre poids le plus haut ? » comme si c’était une évidence. (euh non, mec, c’est mon poids après avoir perdu 10 kg, on peut dire que depuis une vingtaine d’années c’est mon poids le plus bas). Ben le résultat, c’est que moi ce que j’ai entendu, c’est que dans les yeux de ce médecin, j’étais bien trop grosse. Tant qu’à faire j’ai repris 10 kg ;))
    Bref, l’enfer est pavé de bonnes intentions, est la question du poids est TOUJOURS compliquée.
    Maintenant qu’on arrête de faire la leçon à des patients qui ne sont pas là pour ça, que tout ne soit pas lu sous l’angle « multifactoriel » des problèmes de santé, oui ça serait pas mal !

  2. Martine
    Martine dit :

    Ma toubib fait très attention à sa silhouette et traque sur elle le moindre petit capiton…Elle en parle librement! Elle fait aussi dans l’esthétique au cabinet, pour chasser rides et cellulite de ses patients!
    Et les dernières fois que j’ai consulté pour otite, angine…elle m’a glissé « Vous n’auriez pas pris un peu de poids? » J’ai répondu par l’affirmative en me rendant bien sûr compte qu’elle fait partie des « yaka » et méconnaît certainement les problèmes complexes que certains entretiennent avec la nourriture.

  3. Clicou
    Clicou dit :

    J’ai été confrontée à un médecin du travail qui commençait toute consultation par un déshabillage en règle, avec prise de mesure et passage par la balance avant tout échange…
    Même si, je n’ai jamais compris en quoi le poids pourrait être un motif d’inaptitude ?
    Sentiment d’humiliation, en slip, en bourrelets, devant sa tête de juge pondéral.
    Ça a longtemps tourné dans ma tête, j’ai refusé les visites périodiques obligatoires jusqu’à son départ.
    Mais plus jamais je ne me laisserai humilier de la sorte.
    J’ai trouvé MA réplique, mais pas encore utilisée : « Et il vous aura fallu faire 10 ans d’études pour diagnostiquer que je suis grosse ? Mais le premier imbécile qui passe s’en aperçoit en un regard ! »
    Le souvenir reste cuisant, tout de même…

  4. Magali
    Magali dit :

    « Alors pourquoi les ennuyer avec leur poids quand elles ne consultent pas pour cela ? »
    Parce que parfois, le poids peut aussi être en cause dans certains problèmes médicaux, comme l’infertilité, les douleurs articulaires, sans parler du diabète ou de l’hypertension. Alors oui, une consultation pour une douleur du genou peut aussi conduire à l’évocation du surpoids, même si ce n’est pas le motif de consultation initial.
    Quant au surpoids et grossesse, on sait bien que le surpoids est un facteur de risque de certaines complications durant la grossesse, comme le diabète gestationnel par exemple. Après, tout est question de poids et mesure justement, ne pas diaboliser, en parler avec délicatesse et compréhension, parce qu’il y a souvent tellement de souffrance et de honte associés au surpoids.

  5. nath
    nath dit :

    A 12 ans je faisais 1.66m pour 40 kg ; le pédiatre a dit qu’il fallait que j’étais trop grosse pour mon age (mais il n’a jamais dit que j’étais trop grande par contre !)
    Aujourd’hui à 40 ans, je traine mes kilos en trop … depuis l’adolescence où je me suis toujours cru grosse puis je le suis devenue
    merci le pédiatre de merde !

  6. Sandra de Habitudes-Sante.com
    Sandra de Habitudes-Sante.com dit :

    C’est en effet un vrai problème !
    Je ne compte même plus les fois où un patient m’a raconté une (voir plusieurs) expérience où ils ont été très stigmatisés par les professionnels de santé.. C’est vraiment lamentable !
    C’est quand même une aberration, se sont des gens formés, qui sont censés savoir que l’obésité n’est qu’une histoire de manger-bouger !
    Bref… j’ai justement écrit dans ma to-do list « faire vidéo sur les discours difficiles de professionnels de santé ».. C’est vraiment un sujet important à aborder ! Tu l’as encore une fois très bien décrit…
    Bonne journée !

  7. V.
    V. dit :

    Je voulais accoucher dans une clinique en particulier, lors du 1er RDV avec la gynéco elle m’a dit que mon poids était trop élevé pour un début de grossesse, que je prendrai encore beaucoup de poids et que par conséquent ça pourrait être difficile s’il devait y avoir une anesthésie, rachie-anesthésie ou une péridurale. Donc que je ne pourrai pas accoucher dans cet établissement. Je n’ai rien dit et arrivée dans ma voiture j’ai fondu en larmes.

  8. Alcachofa
    Alcachofa dit :

    Venue consulter pour un truc gynéco, le Dr, gynécologue donc, me parle de mes genoux dans 15 ans : Vous aurez des problèmes de genoux dans 15 ans, on vous a parlé du Bypass? J’en suis tombée de ma chaise!
    Je lui ai expliqué que je me sentais très bien, mes genoux allaient très bien eux aussi, qu’on verrait dans 15 ans si j’ai des problèmes (vous aurez… pas sûr du tout!) et qu’avant le Bypass qui est quelque chose d’extrêmement radical et surtout spécifique, et de dernière chance, il existait d’autres alternatives à proposer tout de même…
    Moi, ça va, je n’ai plus de problème avec mon problème de poids. Mais les autres patientes? Elles terminent chez le confrère chirurgien pour éviter d’avoir mal aux genoux dans 15 ans?
    Ce Dr était gentil, pas malveillant, mais Dieu du ciel! de quoi je me mêle! surtout quand je n’ai connais rien de rien!
    ça m’a fait le même effet que s’il avait voulu m’amputer les jambes par prévention!
    J’ajouterais qu’enceinte et très grosse (apparemment), je n’ai ni diabète, ni hypertension, ni rien de plus ou de moins exceptionnelle que mes collègues femmes enceintes avec une IMC classique. Mon Gyn (un autre) me fait faire tous les tests usuels, n’exige pas que je monte sur sa balance s’il se trouve que je me suis pesée quelques jours avant pour l’endocrinologue. Elle me croit. Elle me prend comme je suis, pas sur pieds ou au jugé. Pas de fausses projections sur le futur. Pas de discours déplacés genre dépliant de salle d’attente. Pas de « il faut faire attention à ce que vous mangez ». Du coup, ça m’aide moi à ne pas m’inquiéter quand j’ai plus (ou moins) faim que d’habitude parce que j’attends un bébé, que je suis fatiguée, que j’ai mal au coeur et que tout me retourne l’estomac.

  9. Ariane
    Ariane dit :

    @Sarah merci pour ce témoignage, parfois la maladresse, ou une phrase automatique sans réfléchir, peuvent être blessantes. Le Dr en question devrait pourtant est particulièrement attentif à ces questions de poids 😉 Pour ma part, il m’arrive de demander, après avoir écouté l’histoire de la personne, quels sont ses poids les plus haut et plus bas pour avoir des repères.

  10. Ariane
    Ariane dit :

    @Martine avec une telle personne, vous auriez pu faire un peu de provoc et dire « oui et j’en suis ravie d’ailleurs » 😉

  11. Ariane
    Ariane dit :

    @Magali je ne méconnais bien sûr pas des effets possibles du surpoids comme ceux que vous évoquez. Bien sûr que si l’objet de la consultation est le diabète, on va parler du poids. Mais d’une part certains risques sont parfois exagérés et d’autre part, souvent, et c’était l’objet de ce billet, le surpoids est évoqué sans lien avec le sujet de la consultation.

  12. Ariane
    Ariane dit :

    @Nath avec cette taille et ce poids, je ne vois pas où pouvaient se loger les rondeurs… Que les médecins laissent les ados en paix…

  13. Ariane
    Ariane dit :

    @V. quelle horreur ! Je prends toujours soin de rassurer mes patientes en surpoids qui sont enceintes : en général, elles prennent moins de poids que les autres car la grossesse puise en partie dans leurs « réserves ». Et cela se vérifie toujours surtout si on travaille ensemble à écouter sa faim. Et ces risques font partie de ceux qui sont largement exagérés comme je le mentionnais plus haut.

  14. Ariane
    Ariane dit :

    @Alcachofa c’est ce que j’expliquais plus haut, les risques liés au surpoids sont largement exagérés, par méconnaissance sans doute… Et bravo à votre gynéco qui semble un bon soutien !

  15. Lila
    Lila dit :

    Je suis très heureuse d’être tombée sur votre blog ce soir, et sur cette note en particulier! Je suis le cas typique de la personne qui, lasse d’être « harcelée » au sujet de son poids, en est venue à complètement négliger sa santé par peur de mettre les pieds chez un médecin. J’ai été anorexique, il y a environ 8 ans. Pour 1m72, mon poids le plus bas a dû être environ 54 kgs. Je suis devenue boulimique avant que mon poids ne chute beaucoup plus, et n’ayant pas été jusqu’à devenir rachitique, personne ne s’est soucié de ma perte de poids. A tel point que j’ai mis des années avant de mettre ce mot, anorexie, sur ce que j’ai vécu (moi? la grosse? anorexique? allons, arrêtons d’exagérer!). Les troubles alimentaires ne m’ont jamais quittée, aujourd’hui je pèse environ 100 kgs. J’ai divers problèmes de santé, n’ayant rien à voir avec mon poids : je suis asthmatique depuis toute petite, avec de très fortes allergies respiratoires, qui nécessitent normalement un traitement de fond. Sauf que la dernière fois que je suis allée voir une pneumologue allergologue à ce sujet, j’ai été bassinée sur le fait que mon asthme était lié à mon poids (allons bon, les plus grosses crises d’asthme de ma vie, je les ai faites à mon poids le plus bas, anorexique…), que vu mon poids je faisais sûrement de l’apnée du sommeil, et qu’il fallait que je perde du poids très vite pour ça! Il faudrait très sérieusement que je vois une gynécologue (j’ai déjà eu des kystes aux ovaires à plusieurs reprises, et j’ai des douleurs qui me font penser à une rechute). Sauf que je n’ai pas envie qu’on me fasse monter sur la balance, pas envie qu’on me parle encore et encore de mon poids qui est un tel problème, de mes futurs problèmes de genoux, de ma tension, etc. J’en ai assez d’avoir peur d’aller chez le médecin. D’aller la peur au ventre, la mort dans l’âme, quand j’ai un problème de santé qui fait que je ne peux plus l’ignorer. Je me suis faite mal au dos il y a des années de ça, mais ça n’a jamais été soigné, car j’en ai eu assez d’entendre des « perdez du poids » au lieu de séances de kiné, ou examens sérieux, de « ça c’est parce que vous pesez trop lourd pour vos articulations » plutôt que me demander si y’a pas eu un incident à l’origine de la blessure…. donc j’ai laissé tomber et vis avec une douleur qui reviens régulièrement. Certaines choses sont peut-être liées à mon poids, mais quand bien même : quand on est en surpoids, c’est comme si de toute façon c’était de notre faute, on n’avait qu’à pas être gros. Comme si on méritait tous les désagréments et problèmes de santé, comme juste punition pour être que des porcs qui savent pas se contrôler alors que c’est si facile, « il suffit de ». Tous ces praticiens m’ont fait remarquer que « j’avais de la tension », et que c’était lié à mon poids et qu’il fallait que j’en perde sous peine de tas de problèmes. Sauf que cette tension, j’avais la même, quand je pesais 54 kgs. 12/8, 13/8. Parfois ponctuellement beaucoup plus. On me disait déjà à l’époque « vous avez un peu de tension », mais étrangement, ce n’était pas suivi de cette réprimande, on ne me disait pas que c’était de ma faute et que j’avais qu’à perdre du poids (je me le disais toute seule, par contre… C’était à l’époque pour moi une preuve que j’étais trop grosse…). Mais je suis dans un tel état d’angoisse quand je vais chez le médecin, que ça doit déjà suffir à faire péter le plafond à ma tension. J’ai parfois l’impression que dire à un patient « perdez du poids », c’est une flemme, une paresse incroyable de la part du praticien : plutôt que de réfléchir, de considérer vraiment le patient et toutes les possibilités : vous êtes gros? eurêka, c’est la cause de tout. Peu importe que vous ayez eu le même problème avant d’être en surpoids, peu importe qu’ils ignorent potentiellement une autre cause. Vous avez qu’à arrêter de bouffer, voilà, hop, travail terminé bravo Sherlock. Je paye une séance pour subir jugement, brimades, des « vous savez, vous êtes en obésité » (nooonn, sérieusement, j’l’aurais jamais su toute seule, c’est pas comme si la société entière me crachait déjà dessus parce que mon tour de taille est pas dans les normes en vigueur) et repartir dans la majorité des cas avec mon problème de départ, le découragement en plus en pensant qu’il va falloir rechercher un autre praticien et espérer que peut-être, celui-là sera moins borné et voudra bien vous traiter, et pas « traiter » (entre guillemets, car dans 100% des cas pour moi, je repars avec « perdez du poids », et jamais comment/qui/quoi/où) votre poids pour lequel vous n’êtes pas venu (comme si je n’avais pas des yeux pour voir toute seule que oui, je suis grosse). Je traîne une entorse mal guérie à une cheville (je m’y refais mal sans arrêt) suite à une chute dans un escalier, car je ne supporte pas que la première remarque qu’on m’ai faite était par rapport à mon poids, sans même me laisser raconter ma chute. Il y a quelques mois, je me suis coupé assez profondément à un doigt, et j’ai dû, pas le choix, aller en pleine nuit aux urgences (si ça ne pissait pas autant le sang, j’aurais trouvé un moyen pour ne pas y aller, tellement ça m’est pénible de voir des soignants). Ca n’a pas loupé : alors que je venais de passer 1/2 h à retenir mes larmes dans la salle d’attente, stressée, avec un vieux chiffon pressé sur mon doigt en train de se vider dedans, des infirmières m’ont fait passer en « salle de tri » (je ne sais pas comment ça s’appelle, mais bon, vu que c’est à peu près la fonction…). Elles ont regardé mon doigt, puis demandé des détails de santé et… pris ma tension. Qui était très élevée, 17/qqe chose. Et là, tremblotante, regardant mon doigt charcuté, j’ai dû subir de la part de ces infirmières une diatribe sur le fait qu’il fallait que je fasse attention, la tension c’est très très grave, mon poids facteur aggravant, etc etc, il faut à tout prix que je voie un cardiologue sans tarder. Sans même s’imaginer que peut-être, le fait de devoir venir toute seule avec un doigt ouvert aux urgences la nuit était une source d’angoisse suffisante à faire monter la tension (et je réitère: quand bien même!). J’ai vu il y a quelques années un cardiologue, après insistance de ma généraliste : ce génie m’a prescris un médicament hypotenseur que j’ai vite arrêté, car il me faisait sans arrêt tomber dans les pommes, et dit « bon, maintenant perdez 10 kgs, et revenez me voir dans un mois ».
    La grossophobie médicale est vraiment un problème. Toutes ces anecdotes, je les ai vécues en pesant 80kgs, 75 kgs, 90 kgs, 100 kgs. Divers degrés de surpoids/obésité, mais à chaque fois j’ai eu l’impression qu’on me parlait comme à une personne en obésité tellement important qu’elle ne peut presque plus se déplacer. Même, ça a pour moi contribué à me faire prendre du poids : n’ayant pas guéri certaines blessures, j’ai arrêté le sport. Ca a aggravé ma vision de moi-même, car le médecin a une certaine position d’autorité, et je trouve que ça atteint beaucoup plus fortement, le jugement, le dégoût sous couverture d’une fausse bienveillante de quelqu’un sensé s’occuper de votre santé, que la remarque négative du premier imbécile venu dans la rue.
    C’est très fort (et lié aussi à mon histoire personnelle), mais dans la bouche des praticiens, ce « perdez du poids » sans même avoir pris la peine d’écouter mon souci de santé qui m’amène les voir, je le prends comme « vous êtes trop monstrueuse pour mériter qu’on vous soigne, vous avez le droit de crever, tant pis pour vous ». Je trouve ça très violent. J’ai souvent peur d’avoir un jour une pathologie grave qui ne serait pas décelée à temps, car la réponse invariable du médecin à « j’ai mal à tel endroit/j’ai tel souci » serait : perdez du poids, et on passerait à côté d’un test, d’un examen, car le médecin aurait déjà trouvé la réponse avant de connaître le problème rien qu’en me voyant entrer dans son cabinet.
    [c’est très long, désolée, mais effectivement, ce problème de grossophobie de la part des médecins et soignants est une question très sensible pour moi]

  16. Alcachofa
    Alcachofa dit :

    Tristement typique. Je ne me suis pas soignée pendant des années à cause de cela. Je me suis em^pêchée de faire tellement de choses pendant tellement d’années à cause des discours de la médecine et de la société (comme de faire un bébé, c’est très grave cela!) Certes, on peut avoir un certain nombre de répartis et de répliques dans son escarcelle pour ces personnes, mais c’est usant et on n’a pas toujours l’énergie si elles sont particulièrement parsuadées de leur fait et n’en démordent pas. On est bien seul(e) dans ce triste combat. C’est toute une société à changer, celle de la comparaison et du « il faut que parce que c’est ce qu’il y a de mieux pour toi » (les 5 fruits et légumes, les campagnes de santé en règle générale, mais pas que pas que). Triste combat, vaste débat.
    Ce serait bien si vous arriviez à vous dégoter au moins un chouette généraliste qui vous prenne comme vous êtes et pas comme il « faudrait » que vous soyez d’après des échelles standards ou sa propre opinion d’ailleurs. Par les articles d’Ariane, on tombe sur plusieurs liens, dont celui-ci: https://gynandco.wordpress.com
    Si vous regardez il y a plusieurs spécialités représentées. Peut-ête y a t-il un Dr près de chez vous dans cette liste? peut-être aura-t-il un carnet d’adresse de confrères qui lui ressemblent.
    Pas mal aussi d’aller tâter le terrain, pourquoi pas aller voir ce ou un autre pas sur la liste, conseillé par des amis bienveillants, par ex, pour une sorte d’entretien préalable avec lui, pour voir si le courant passe, parce que vous recherchez la perle rare qui vous soignera sans vous asséner des conseils diététiques à chaque fois et toutes pathologies confondues. Racontez-lui ce que vous nous racontez et jugez, vous, si vous voulez faire affaire avec lui. Si vous ne lui convenez pas parce qu’il pense que vous être trop grosse, vous avez aussi le droit de vous dire qu’il ne vous convient pas parce qu’il est trop classiquement bête-borné-pas plus loin que son nez :))!

  17. Ariane
    Ariane dit :

    @Lila merci beaucoup d’avoir pris le temps de ce témoignage tristement illustratif de ce que je dénonçais.
    Je vois trois voies possibles d’action pour ne pas baisser les bras :
    – a minima, si on ne sait pas sur qui on va tomber (ne pas renoncer à se soigner !), se préparer mentalement, répéter des phrases pour faire obstacle comme ce que je mentionnais et s’entrainer pour le faire facilement au moment opportun.
    – essayer (comme le suggère @Alcachofa, merci beaucoup !), via le bouche à oreille, les amies, les collègues, les professionnels de santé, les témoignages, internet, de trouver des soignants bienveillants et ouverts.
    – collectivement, agir pour sensibiliser, informer, former, dénoncer les professionnels de santé malveillants, long et vaste chantier ! J’essaierai de faire ma part de colibri…

  18. SJ
    SJ dit :

    Le pire que j’aie entendu de la part d’un médecin, c’est « si votre fils a fait un double pneumothorax à la naissance, c’est certainement dû à votre obésité, madame »
    Je suis dépressive, ça revient régulièrement et chaque fois, je dois me battre comme une folle pour me sortir de ces périodes noires. Aujourd’hui, j’ai posé 30 kilos, je suis un peu mieux dans mon corps mais pas dans ma tête, ce pourquoi, entre autre, j’ai recommencé à fumer… avant, tout problème de santé était lié à mon poids, aujourd’hui, c’est forcément la clope qui est la cause de tout…
    Ça a l’air si facile d’être médecin…

  19. Saurounette
    Saurounette dit :

    Pour ma part, j’entends depuis que je suis gamine que je suis trop grosse de la part du milieu médical (j’ai meme été mise au régime bébé, étant au dessus des courbes, d’après mes parents). Mes parents étant médecins tous les deux, j’ai au moins la chance de ne pas être trop impressionnée par le diplôme de ceux que je consulte. Néanmoins, j’ai toujours appréhendé ces rendez-vous, sachant qu’inévitablement, mon poids serait évoqué, quel que soit le motif de ma consultation. La dernière visite médicale obligatoire, alors que le médecin du travail me demandait de monter sur la balance, je lui ai rétorqué « c’est indispensable? je sais déjà que vous allez dire que je suis trop grosse », ça a au moins eu le mérite de la désarçonner et de trouver des mots plus délicats par la suite. Mon médecin traitant qui m’a demandé l’autre jour si je voulais me peser, je lui ai répondu que vouloir n’était pas vraiment le mot, que je pouvais lui dire mon poids s’il le voulait, il a insisté pour que je monte sur sa foutue balance, comme si j’allais forcément lui mentir. Il ne m’embête pas trop avec ça, mais depuis peu mon taux de cholestérol est limite, donc je sais que je vais y avoir droit systématiquement… En fait, j’aimerais tellement qu’un jour, plutôt que de me dire que je suis en surpoids, un médecin m’accompagne, me demande au moins à quoi cela peut être dû, m’oriente vers une diététicienne ou nutritionniste de la méthode GROS… Mais non, ils se contentent de nous marteler qu’on est au dessus de la courbe, toujours, que c’est dans la tête et qu’il « suffit » de faire « attention ».

  20. Ariane
    Ariane dit :

    @SJ merci de votre témoignage je vous souhaite sincèrement que tête et corps trouvent la paix peu à peu…
    @Saurounette bravo pour vos réparties, c’est déjà beaucoup. Mais pourquoi attendre le médecin pour aller voir un praticien du GROS, il y a l’annuaire en ligne… ?

  21. Milky
    Milky dit :

    Je voudrais signaler l’existence d’une liste blanche de gynécos (qui donne des adresses de SF, gynécos, généralistes… respectueux, qui ne jugent pas, bref comme tous les soignants devraient être !), au départ c’est plus féministe comme approche, mais le projet est évolutif, et y sont aussi répertoriés des soignants « fatfriendly ». Si ça peut réconcilier certaines personnes avec le corps médical… J’espère que ça pourra aider des gens !
    C’est là : https://gynandco.wordpress.com/

  22. isa
    isa dit :

    je suis confrontée depuis 15 jours au monde médical pour des problèmes d’inflammation articulaire et presque Etonnée de n’avoir pas eu UN mot de quiconque sur mon surpoids( 20kg)
    quand je vivais à Paris (et pesait 10 kg de moins), c’était évoqué à la moindre occasion, genre mal au dos,
    et maintenant que je vis dans le Sud-Ouest, force est de constater que les médecins sont beaucoup moins obsédés par ça
    pourtant je l’attendais venir, pas un médecin, pas une infirmière, personne n’a mentionné mon surpoids pour l’instant
    comme quoi ça dépend peut-être des régions ?

  23. Parisienne
    Parisienne dit :

    J’ai lu votre article avec beaucoup d’intérêt. J’ai rencontré de multiples fois ces comportements du monde médical et para-medical. Quelques exemples de situations vécues : un médecin du travail qui m’oriente vers un service hospitalier parisien pour intégrer une étude sur l’origine du surpoids. En contrepartie de différents examens dont des prélèvements de cellules graisseuses au niveau du ventre (très douloureux), j’ai eu droit à quelques conseils diététiques de la part d’une sympathique diététicienne. Pas d’effets sur mon poids par contre. Tout récemment à l’occasion d’une IRM je me suis vue reprocher d’être trop grosse pour permettre une observation optimale. Mes jambes ont été ligotées par une sorte de scotch pour être resserrées et maintenues pour l’examen car l’équipement n’était pas adapté. J’avais trop mal pour prendre mes jambes a mon cou mais c’était humiliant. Enfin dernier exemple récent, une gynécologue réputée pour avoir écrit sur les femmes et la ménopause me reçoit en consultation. Je m’installe sur la table d’examen. Elle effectue le prélèvement sans délicatesse, et comme je lui fais part de ma douleur elle m’explique que mon corps exerce une telle pression qu’il est normal que j’ai mal. Elle me sermonne ensuite sur mon poids. Elle me conseille avec insistance de faire une chirurgie bariatrique. Elle conclut par « je ne peux rien pour vous ». Elle ne me reverra plus. Je ne renonce pas pour autant à me faire soigner, mais j’ai toujours beaucoup d’appréhension a me rendre chez des professionnels de santé car je ne suis jamais certaine d’être respectée en tant que patiente et être humain. Merci pour votre article

  24. Ariane
    Ariane dit :

    @Parisienne grand merci pour votre témoignage, quelle tristesse qu’il n’y ait pas davantage d’attention et de bienveillance à l’écart de toute personne quelle que soit sa silhouette. Continuez en effet à consulter si vous avez des problèmes de santé, essayez d’avoir des noms de professionnels bienveillants si possible ou « armez-vous » de résistance…

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