Des peurs alimentaires, vous en avez sûrement. On en a parlé au congrès du GROS

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Ariane Grumbach - L'art de manger

Le congrès du GROS la semaine dernière était consacré aux peurs alimentaires et c’était un article de Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l’alimentation, qui avait donné l’idée de ce thème il y a quelques mois. Il a donc été le premier intervenant du congrès et nous a parlé de cinq peurs liées à la nourriture et du balancier entre les dimensions individuelle et collective de ces peurs selon les époques. Très intéressant !

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1. La peur du manque, ancestrale : la première priorité, c’est déjà d’être sûr d’avoir qu’on aura quelque chose à manger. Et cette peur est stimulante et créatrice de lien social car il est plus facile de se mettre à plusieurs pour chercher de la nourriture (pour chasser de grands mammifères à la préhistoire par exemple…). Etonnamment, cette peur archaïque liée à la survie de l’espèce et collective persiste dans notre société actuelle et devient individuelle même chez des personnes pour qui la nourriture abonde.

2. La peur de l’excès, soit tout le contraire ! Alors qu’à d’autres époques, l’excès était plutôt la marque des classes sociales supérieures, le mangeur hypermoderne ressent aujourd’hui le besoin de se surveiller et encore davantage les femmes urbaines et aisées, dans une surveillance stricte de leur corps. Et s’y ajoute une pression collective via les politiques de santé publique à « faire attention » et donc avoir peur du « trop ».

3. La peur de l’empoisonnement : cette peur autrefois liée à l’individu, au vrai poison est devenue collective et spécifique à chaque société qui définit son « répertoire du comestible ». avec certains aliments qu’on redoute mais dont certains fascinent et attirent aussi (le poisson japonais fugu par exemple). Et aujourd’hui, ce n’est plus l’individu mais les consommateurs, qui peuvent avoir peur, de façon plus ou moins rationnelle, de tel ou tel aliment ou groupe d’aliments.

4. La peur des sensations : par exemple de l’amer, du sucré, du pimenté … Certaines sont redoutées comme désagréables mais font partie de rituels imposés, comme le « binge drinking » où une pression des pairs s’exerce sur l’individu.

5. La peur du regard de l’autre : autour de ce qui se passe dans l’acte alimentaire, on peut avoir peur de ne pas avoir les bonnes manières, de ne pas maîtriser les codes d’un groupe, de perdre le contrôle et se lâcher trop, de se sentir coupable de manger alors qu’on est gros, … toutes émotions qui peuvent dégrader l’estime de soi.

Il a ensuite conclu sur l’incertitude du mangeur contemporain, qui ne sait plus à qui se fier, qui écouter, dans la cacophonie alimentaire et nutritionnelle. Du coup, aujourd’hui cohabitent selon lui :

– une dramatisation par les médias qui présentent des visions du monde « catastrophéthiques »  (néologisme !) où on veut nous convaincre des terribles dangers alimentaires qui nous entourent ;

– des tenants d’une « pensée magique » qui veut se soustraire et s’opposer à la puissance de la science et des experts qui seraient suspects ;

– le développement de fonctionnements en réseau dans des logiques quasi-sectaires, cela créant de nouvelles sociabilités pour manger « entre soi ».

Et il s’est dit finalement optimiste, observant des changements positifs dans les projets dans lesquels il est impliqué, autour du goût, de l’éducation alimentaire, …

Et vous, vous avez des peurs alimentaires ? Influencent-elles votre comportement, votre façon de manger ?

A venir : d’autres billets sur le congrès du GROS

8 réponses
  1. Fanny
    Fanny dit :

    je ne pense pas avoir des peurs alimentaires, je mange selon mes envies (en ce moment je suis dingue de bouillons de légumes avec des petites choses crues dedans) sans (trop de) culpabilité selon vos excellents conseils, chère Ariane…

  2. Anna
    Anna dit :

    Moi je crois que je suis concernée par la peur du manque : je mange des quantités vraiment énormes, comme si j’avais inconsciemment peur de ne plus jamais pouvoir profiter de chaque plat. Heureusement, je ne grossis pas trop, mais j’ai quelques kilos à perdre et du coup je n’y arrive pas !

  3. Carine
    Carine dit :

    Bonjour,
    En ce qui me concerne, maintenant que je ne suis plus dans le combat des régimes et que j’ai plaisir à manger de tout et quand j’ai faim, mon souci aujourd’hui est la qualité des aliments. Peur des aliments pollués de produits chimiques, viandes et de poissons qui sont nourris avec n’importe quoi, dans des endroits non respectueux de leur vie (ni même de la façon de les tuer)et/ou soignés à coup d’antibiotique ou d’aliments que nous ne savons pas d’où ça vient… ma difficulté du moment, est donc, avec un petit budget en plus, de pouvoir choisir des aliments qui me font envie sans tous ces inconvénients afin que ma dégustation n’en soit pas gâchée. Idem quand je vais au restaurant, comment savoir et connaitre la qualité des aliments servis car nous savons tous que pour beaucoup le profit passe avant la santé du consommateur !
    A bientôt
    Carine

  4. Ariane
    Ariane dit :

    @Anna peut-être pouvez-vous essayer de vous servir de plus petites assiettes et ensuite d’observer ce qui vous donnerait envie de vous resservir
    @nathalie euh, vaste sujet…
    @Carine normal de se soucier de la qualité des aliments sous réserve que cela ne devienne pas obsessionnel (cf billet sur l’orthorexie à venir). Et au restaurant, choisir au moins du fait maison de saison, ce sera déjà pas mal (et rappelez-vous que c’est occasionnel, donc pas le même impact que l’alimentation quotidienne)

  5. Amélie
    Amélie dit :

    Bonjour, je découvre ce blog qui me plait beaucoup étant touchée par les sujets de la nutrition et ayant découvert le groupe GROS il y a quelque temps.
    En ce qui me concerne, je souffre probablement de la peur du manque. Je n’étais pas comme ça enfant. Ce n’est qu’après avoir vu ma mère vivre dans la peur de l’excès (au point de cesser de manger), que j’ai développé des problèmes de poids et une suralimentation. Des années après, et de multiples parcours de régimes (tous plus absurdes les uns que les autres), de rencontre de nutritionniste aux idées toujours contraire, j’arrive lentement à m’apaiser avec la nourriture. Mais je n’ai pas encore complètement lâché prise entre la peur du manque et le contrôle de l’excès. En tout cas, merci de partager toutes ces informations, ces food for thoughts ;).

  6. Ariane
    Ariane dit :

    @Amélie bienvenue sur ce blog. Stop aux régimes, écoutez votre faim, dégustez les aliments et je vous souhaite un délicieux et serein Noël

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